Dragon Quest Builders 2

Test

Le 24 août 2019 à 15:08 par Bastien 0 commentaire
Dragon Quest Builders 2 - Artwork

N'importe quel studio de développement s'accordera à dire qu'une suite est toujours un pari risqué. Corriger les erreurs du passé tout en changeant la formule, innover sans tourner le dos à une communauté fidèle... Si Square Enix est désormais habitué à ces challenges, ses équipes ne parviennent pas toujours à transformer l'essai. La promesse d'un Dragon Quest Builders 2 encore plus généreux, orienté multijoueur et pensé pour la Switch avait de quoi faire saliver les fans du premier opus sur lequel j'ai passé des dizaines d'heures avec un enthousiasme indécent. Entre plan d'architecte séduisant et finitions de chantier discutables, Dragon Quest Builders 2 signe un retour avec quelques compromis.

Permis de reconstruire

Copieusement inspiré par Minecraft quoi qu'en dise Yūji Horii, Dragon Quest Builders devait son coup de génie à son scénario malin, qui plongeait le héros dans une uchronie intéressante : une fin alternative à Dragon Quest où le Dragonlord aurait dominé le monde. Dragon Quest Builders 2 revoit légèrement la formule en proposant cette fois une suite à Dragon Quest II, plusieurs années après la défaite de Malroth. Réincarné en humain au regard malicieux et au caractère arrogant, le terrible démon accompagne maintenant le héros — ou l'héroïne, comme le propose le début de l'aventure — dans son voyage. Après une introduction étouffante et bavarde, l'Île de l'Éveil constitue le point de départ du combat contre « les Héritiers de Kaos », qui interdisent sévèrement toute forme de création et chassent le moindre apprenti-bâtisseurs. Vous l'aurez compris, cette fois encore tout est à refaire : découvrir de nouveaux horizons, reconstruire d'anciens hameaux paisibles tout en combattant les forces du mal.

Dans la saga Builders, la trame scénaristique n'est pas qu'un simple prétexte à la construction, elle contribue à l'implication du joueur dans l'envie d'aider son prochain à la recherche d'un objet mystérieux ou d'une ressource miracle. Le premier épisode avait fait le choix de proposer quatre grands chapitres aux histoires totalement indépendantes, une intention très fidèle à l'essence de la série où chaque village renferme généralement sa propre intrigue. Pour faire fi de l'impression de tout reprendre à zéro à chaque nouvel arc, Square Enix a imaginé Dragon Quest Builders 2 autour de plusieurs grandes îles qu'il est possible de revisiter à la faveur d'un rapide trajet en bateau, à condition de laisser son inventaire sur le quai. On retrouve dans cette suite quatre grandes (et longues, très longues) histoires, entrecoupées de séquences plus rapides sur l'Île de l'Éveil. Souvent très bavarde et inutilement morcelée en plusieurs micro-missions qui auraient pu constituer un seul objectif, la quête principale demandera à elle seule 60 heures d'implication, dont 10 pour accéder aux fonctionnalités en ligne.

Dans Dragon Quest Builders 2, le joueur s'essaye aussi aux plaisirs de l'agriculture.

La fauscille et le marteau

À vrai dire, la première épopée de Dragon Quest Builders 2 a de quoi surprendre puisqu'il ne s'agit pas à proprement parler de construction mais... de jardinage. Pour mettre en avant les nouveaux outils de création et de terraforming, les premiers villageois vous initieront aux plaisirs de la récolte, comme le feraient Harvest Moon ou Stardew Valley. Sous les ordres d'un ver de terre géant au design assez effrayant, vous devrez donc trouver des graines réparties aux quatre coins de l'île et comprendre les conditions de leur culture. Si le blé et le chou ne requièrent qu'un terreau fertile, les tomates et la canne à sucre demandent à être irriguées. L'intérêt : cuisiner les récoltes pour alimenter les habitants et remplir votre jauge de faim, mais aussi jouer avec l'eau, qui peut être ajoutée ou retirée à la volée pour créer étangs, rivières ou cascades. Rapidement, les PNJ deviennent autonome, et vous proposent même en fin de chapitre de construire pour vous les structures aux plans les plus imposants, à condition qu'un coffre situé à proximité contienne tous les matériaux nécessaires à son élaboration. L'aide des habitants imposée par le scénario sera particulièrement utile sur l'île d'Ocharbhon, où les mineurs vous régaleront chaque soir de métaux précieux pour votre forge afin de vous faire gagner du temps.

Les nombreux points de téléportation et la possibilité de planer à grande vitesse sont d'autres ajouts essentiels dans un jeu de crafting où les allers-retours sont particulièrement nombreux. Plus rares que dans son aîné, les combats sont, eux, assez vite expédiés (voire anecdotiques) étant donné que Malroth et les autres villageois se battent à vos côtés avec plus ou moins de vigueur. On perd une originalité qui faisait de Dragon Quest Builders une petite pépite : les attaques très organisées de hordes de monstres qui s'inspiraient du genre tower defense. On se demande quelle a vraiment été l'implication de Koei Tecmo dans le développement de cette suite tant les affrontements sont sans saveur ni stratégie particulière. Ne comptez pas non plus sur vos amis pour rejoindre l'arène ou vous filer un coup de main : ils ne pourront vous retrouver que sur l'Île de l'Éveil, votre hub central dédié à la construction, et non pendant l'aventure principale.

L'aventure est un grand didacticiel qui libère le potentiel créatif des plus motivés.

Framerate au court-bouillon

Il aura fallu deux ans à Square Enix et Nintendo pour publier Dragon Quest Builders premier du nom sur Switch. Un portage parfaitement optimisé, qui a d'ailleurs redonné un petit coup de fouet aux ventes et convaincu les développeurs que la Switch était la digne héritière de la regrettée PlayStation Vita. Techniquement, Builders 2 souffre d'un framerate très aléatoire sur la console de Nintendo : autour de 30 images par secondes dans les environnements clairsemés, en dessous de 20 quand les nombreux habitants d'un village s'extasient tous ensemble (en clair : à chaque quête terminée). C'est dans le mode création multijoueur que les choses se compliquent avec des chutes de framerate inquiétantes qui font s'emballer le ventilateur. Les excellents benchmarks de Digital Foundry confirment, chiffres à l'appui, que la console suffoque dangereusement quand elle affiche des constructions grandiloquentes d'autres joueurs. Si vous privilégiez le confort de jeu à la technique pure, terminer l'aventure principale sur Switch semble être le meilleur choix, mais si votre ambition est de bâtir d'immenses châteaux en ligne avec vos amis, la question de la plate-forme se pose réellement, même si la version PS4 Pro semble aussi souffrir de quelques soucis d'optimisation.

C'est d'autant plus dommage que la direction artistique très proche de l'épisode sorti en 2016 est toujours séduisante. On redécouvre la plupart du charismatique bestiaire imaginé par Akira Toriyama et quelques archétypes de personnages au caractère bien trempé, avec des accents et des névroses qui font toujours sourire. On dénombre d'ailleurs plusieurs connotations coquines qui tranchent véritablement avec l'ambiance enfantine et (trop) enthousiaste qui se dégage des PNJ avant le twist final. Côté musiques, on retrouve sans aucune surprise les thèmes phares de Koichi Sugiyama avec toutefois, pendant l'exploration ou dans les villages, des boucles oppressantes qui après une vingtaine d'heures de jeu vous contraindront sûrement à couper le son et vous concentrer sur le rythme continu de votre marteau, réglé comme du papier à musique.

Plus ambitieux que son grand frère, Dragon Quest Builders 2 se montre également plus bavard et morcelé quitte à rallonger artificiellement la durée de vie du titre. La nouvelle approche agricole offre de belles possibilités d'aménagement et d'embellissement du terrain, tandis que les missions scénarisées de construction pure deviennent un peu plus rares ou confiées aux habitants pour laisser libre cours à l'imagination du joueur sur l'île centrale, seul endroit où le mode multijoueur est exploité. Malgré quelques soucis d'optimisation graphique et d'interface, Builders 2 scintille par cette générosité propre à la série de Yūji Horii et le charisme de cet univers qui modèle à merveille l'esprit de Minecraft tout en s'amusant avec la mythologie de Dragon Quest.

14
Une aventure très généreuse
De nouveaux outils de création et de terraforming
L'univers de Dragon Quest, toujours idéal pour le concept
Pas de véritable aventure multijoueur
Dialogues inutiles et quêtes morcelées
Framerate régulièrement en souffrance