Trials of Mana

Test

Le 02 mai 2020 à 20:55 par Bastien 0 commentaire
Trials of Mana - Artwork

Laissé pour compte à sa sortie sur Super Nintendo en 1995, le troisième épisode de la série Seiken Densetsu a finalement traversé les océans pour s'offrir une localisation inédite dans Compilation of Mana, véritable madeleine de Proust enracinée depuis août 2019 sur Switch. Moins d'un an plus tard, Trials of Mana succède aux très discutables remakes de Mystic Quest et Secret of Mana en s'infligeant une refonte intégrale où la nostalgie d'une époque florissante doit composer avec le budget fluet de ce genre d'initiatives. Un coup d'épée dans l'eau ?

La tribu de Mana

Si Trials of Mana ne fascinera jamais autant que son secret grand frère, le troisième épisode de la franchise portée par Kōichi Ishii et Hiromichi Tanaka a longtemps profité du statut de jeu inaccessible, réservé aux férus d'import ou de traduction amateure. Il faut dire qu'on retrouve dès les premières minutes les grands marqueurs qui ont fait le succès de Secret of Mana, qu'il s'agisse de l'univers féérique et coloré, du bestiaire mignon ou de la mythologie entourant la célèbre épée de Mana. Il se distingue pourtant de son aîné en proposant au joueur d'incarner un héros et deux accolytes parmi les six protagonistes, tous impliqués d'une façon ou d'une autre dans la survie de l'arbre protecteur. Pour gagner du temps, il est possible de découvrir les prologues des deux coéquipiers une fois le trio réuni, si bien que deux parties suffisent pour lever le voile sur les destins de chacun.

Là où Final Fantasy VII Remake réinvente complètement le mythe de 1997, Trials of Mana se contente de transposer à la ligne près l'expérience originale dans un écrin (un peu) plus contemporain. Les fans apprécieront, les autres devront composer avec les poncifs et les stigmates de l'époque : narration expéditive, mise en scène dépouillée... Même après les 20 heures requises pour voir le premier générique, on peine à s'attacher à Kevin, Angela, Charlotte, Hawkeye, Duran et Riesz, qui semblaient plus charismatiques quand notre imagination magnifiait les jolis sprites. La lourdeur du premier degré permanent, les innombrables allers-retours imposés par l'aventure, le doublage anglais peu convainquant et l'impossibilité d'accélérer les dialogues sans mettre fin à la scène en cours n'arrangent rien. L'authenticité montre ici ses limites et il faudra faire preuve d'indulgence pour déceler les atouts de ce remake sans prétention.

Class Action

De charme, Trials of Mana n'en manque pas quand on s'intéresse à ses combats. Décrit comme un action RPG, il prend souvent des allures de beat 'em up en multipliant le nombre d'ennemis affrontés pendant les phases d'exploration. Si l'équipe n'est jamais vraiment inquiétée par un « Game Over » dans le mode de difficulté Normal, les différents challenges présents pour accélérer la montée en niveau via des bonus d'XP encouragent à bien façonner ses héros pour gagner en efficacité. Jusque dans les derniers couloirs du donjon final, on se surprend à essayer de clôturer chaque joute en moins de 10 secondes, ou avec une attaque de classe, pour gagner les 2% d'expérience supplémentaire promis, par pure satisfaction personnelle. Certains bonus accordés par P'tit Cactus, mascotte à débusquer ici et là pour compléter votre carnet de tampons, font aussi partie des surprises qui égayent l'expérience. Mais avant de véritablement prendre du plaisir, il faudra atteindre le niveau 18, où l'équipe se spécialisera à la faveur d'un biclassage, renouvellé au niveau 38, puis une dernière fois en terminant les rapides quêtes proposées après le générique de fin. Toujours accueilli avec excitation, ce rituel permet non seulement l'arrivée de nouvelles compétences dans l'arbre d'évolution des personnages mais aussi la maîtrise de nouveaux combos de plus en plus redoutables. Sur le terrain, les dizaines de cristaux laissés par les adversaires ou cachés dans les jarres savamment placées favorisent le remplissage des jauges AC, indispensables pour réaliser les fameuses attaques de classe.

Les nombreux combats de boss mettent en lumière toute la richesse du système et l'importance de spécialiser ses héros plutôt que d'équilibrer leurs attributs — Kevin, par exemple, pourra devenir une brute incontrôlable si vous maximisez en priorité Force et Résistance. C'est aussi face aux boss qu'on découvre l'insouciance totale des alliés contrôlés par une IA désastreuse, même en prenant le soin d'ajuster leur comportement dans le menu prévu à cet effet. Parce qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même, il faudra sans cesse profiter de la pause active pour remettre ses comparses dans le droit chemin, y compris pour demander au healer de la bande de lancer un sort de soin quand la situation est pourtant déjà critique. À ce handicap dont on se serait bien passé s'ajoutent les nombreux spasmes de la caméra que même le ciblage ne saurait contenir ; une véritable torture quand on sait que certaines attaques spéciales doivent conjuguer timing et précision.

Au-delà du réel

Difficile de croire que l'Unreal Engine, pourtant derrière quelques perles comme Kingdom Hearts III, Dragon Quest XI ou plus récemment Final Fantasy VII Remake, est aussi capable du pire, comme le spectacle technique offert par Trials of Mana, dont le budget n'a évidemment rien de comparable à celui de ses camarades. Les textures crasseuses peinent parfois à s'afficher, même dans les environnements les plus dépouillés, pour un rendu qui pourrait rivaliser avec les plus beaux RPG de l'ère PS2. C'est particulièrement frappant au cours des cinématiques ou dans les villages pourtant rudimentaires où les PNJ fourmillent. Heureusement, le design des personnages et des monstres rend hommage à l'inspiration débordante de Kōichi Ishii : on retiendra quelques antagonistes séduisants comme l'infatigable Avale-Mort et des compagnons enchanteurs à l'image de Vustav, la tortue géante amatrice de surf et de raggae.

Cette anecdote est l'occasion de préciser qu'il est possible, selon votre humeur, d'alterner entre les musiques originales d'Hiroki Kikuta et les arrangements proposés pour cette nouvelle version. Malheureusement, les réorchestrations manquent cruellement d'ambition, mis à part le célèbre thème principal « Meridian Child », toujours aussi poignant quand les cuivres s'invitent à la fête. Boucles interminables pendant les phases d'exploration, bruitages agaçant sur certaines actions clé (plantez 10 graines d'objet d'affilée, vous comprendrez), ce n'est pas non plus avec sa bande-son que Trials of Mana fera date.

Plus convainquante que les remakes de ses grands frères, cette refonte de Trials of Mana ne parviendra pas à effacer les nombreux écueils de la copie originale marquée par une narration incisive et une routine d'allers-retours injustifiée. S'il jouit d'une direction artistique chatoyante, ce troisième Seiken Densetsu pourtant poussé par l'Unreal Engine 4 souffre d'approximations techniques trop nombreuses pour s'adresser à un public aussi large qu'il le prétend. En insistant, les perfectionnistes apprécieront la richesse des combats portés par un système de classe et de progression plutôt bien rythmé, y compris à l'issue du générique.

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Une équipe à façonner soi-même
Le gain d'expérience qui pousse aux optimisations
Une aventure qui continue après les crédits
Techniquement décevant
Narration expéditive et aller-retours incessants
IA et caméra à revoir
Où est le mode multijoueur ?