Le 29 janvier dernier, à l'occasion de la sortie de Final Fantasy XIII sur PlayStation 3 et Xbox 360 le 9 mars, Square Enix nous conviait à une table ronde en compagnie de Yoshinori Kitase et Motomu Toriyama (respectivement producteur et réalisateur / scénariste). Impossible pour nous de nous déplacer à l'heure convenue, nous bénificierons donc dun créneau en fin d'après-midi, aux côtés de notre ami Jérémie du site Final Fantasy World avec qui nous avons soigneusement préparé l'interview. Rendez-vous donc dans un somptueux hôtel du seizième arrondissement de Paris pour un rendez-vous d'exception.
En attendant que la session de questions-réponses commence, nous avons eu l'honneur de mettre les mains sur la version française du jeu, visiblement terminée, sur PS3 et 360. L'occasion d'apprécier la traduction française du jeu mais aussi de constater que les deux versions sont visuellement identiques.
Final Fantasy Ring/World : Quels sont selon vous les thèmes principaux du jeu ?
Motomu Toriyama : Dans l'histoire de FFXIII, bien que les personnages soient condamnés par les dieux du cristal, ils se dressent contre le destin qui leur est imposé. Cela fait écho à notre monde actuel. Au Japon notamment, nous connaissons une période de récession et de nombreux jeunes doutent de la hiérarchie. Ils ont beaucoup de mal à s'intégrer à la société et à connaître la réussite. Nous avons voulu montrer à ces personnes qu'il faut toujours garder espoir et se battre pour un avenir meilleur, peu importe la situation. C'est vraiment le message que nous avons voulu exprimer.
Quelle était votre intention au tout début du développement ? Avez-vous cherché à vous défaire des éléments ennuyeux des autres RPG, comme les passages dans les villages ou les boutiques ?
Motomu Toriyama : Oui, notre objectif était de rester à l'écart du déroulement très traditionnel du RPG, dans lequel vous allez dans un village pour vous préparer, puis vous sortez faire des combats, pour finalement revenir au village et ainsi de suite. Nous avons voulu développer une approche plus narrative, dans laquelle de nouveaux rebondissements arrivent l'un après l'autre.
Les cinématiques sont plus courtes que dans les précédents épisodes. Etait-ce pour rendre l'histoire plus dynamique ?
Motomu Toriyama : Vous dites ça, mais FFXIII est l'épisode qui compte le plus de cinématiques de toute la série. Certaines d'entre elles sont très courtes car nous ne voulions pas déconcentrer le joueur. Mais quand la situation l'impose, aux moments les plus importants du jeu, nous avons aussi créé des cinématiques très longues et intenses. Il y a un peu de chaque.
Certains ont critiqué l'aspect linéaire de la première partie du jeu. Qu'en pensez-vous ?
Motomu Toriyama : Imaginez la Seine. Si elle avait des bords irréguliers, elle ne serait pas aussi belle. On dit souvent que c'est la plus belle rivière du monde parce que, précisément, elle a une belle forme harmonieuse. Vous voyez, la linéarité n'est pas nécessairement quelque chose de négatif. Il y a certaines choses que l'on ne peut apprécier que parce qu'elles sont précisément linéaires. La linéarité sert ici d'introduction au jeu, par exemple pour comprendre les personnages, leurs émotions et les événements qu'ils subissent. C'est comme si vous regardiez une série télévisée ou un film. Qui plus est, comme nous avons conçu un système de combat totalement nouveau, vous pouvez apprendre à le maîtriser peu à peu quand vous avancez dans l'histoire. Une fois que vous avez maîtrisé la partie linéaire du jeu et que vous arrivez dans le monde sauvage, vous pouvez mettre à contribution tout ce que vous avez appris, et ce en toute liberté.
Dans FFVI, le personnage principal était aussi une femme. Est-ce que cela change quelque chose à la manière dont vous écrivez l'histoire ?
Motomu Toriyama : Cela ne change rien pour nous. Bien que Lightning soit une femme, elle est très forte. C'est le genre de personnage que même les joueurs hommes peuvent considérer comme un héros cool et attirant, et pas juste comme une jolie fille. Il se trouve simplement qu'il s'agit d'une femme. C'est comme cela que nous avons voulu la décrire, et cela n'a pas affecté la création de l'histoire.
Final Fantasy Ring/World : Le roman Final Fantasy XIII Episode Zero -Promise- était un très bon moyen de présenter les personnages et l'histoire. Comptez-vous le publier en dehors du Japon ?
Motomu Toriyama : Nous aimerions vraiment, mais ce n'est pas prévu.
Final Fantasy Ring/World : L'univers de Final Fantasy X était profondément inspiré par les cultures asiatiques. Quelles étaient vos inspirations pour la création de Cocoon et Pulse ?
Motomu Toriyama : Cette fois-ci, notre concept de base était celui d'une fantasy futuriste. Pour cette raison, nous ne nous sommes pas inspirés d'un endroit réel en particulier. Le directeur artistique, Isamu Kamikokuryô, a dessiné quelques illustrations au tout début du projet, et nous avons pris ses images comme point de départ pour définir un concept plus étendu et plus précis.
Avez-vous des influences en particulier, par exemple des films ou des artistes ?
Motomu Toriyama : Nous avons précisément essayé de ne pas nous inspirer d'un film ou d'un manga en particulier. Mais au fur et à mesure du développement, nous avons finalement cherché des références pour les détails sur les véhicules ou les bâtiments, par exemple. Nous avons donc envoyé une équipe en Amérique pour visiter le musée de la NASA. Aussi, pour la création de Gran Pulse, l'un des illustrateurs de notre équipe artistique est allé dans les régions désertiques des Etats-Unis comme le Grand Canyon, afin de s'en inspirer et ainsi de créer quelque chose de sauvage, de naturel, un décor que personne n'aurait jamais contemplé avant. C'était ce type d'inspiration, rien de direct.
En ce qui concerne les combats et la narration, pensez-vous que le mot-clé pour les définir est le rythme ?
Motomu Toriyama : Bien sûr, le système de combat est très différent de celui des épisodes précédents. Il est beaucoup plus rapide et riche en action. Il s'agit toujours du système Active Time Battle, mais dans une version plus évoluée, alors les joueurs ont beaucoup à apprendre. Si l'intégralité de ses possibilités avait été disponible dès le départ, cela aurait été déroutant. Les nouvelles fonctions sont débloquées à certains moments du jeu afin que les joueurs comprennent peu à peu l'étendue des possibilités que nous leur offrons.
La gestion de l'équipe est inhabituelle dans FFXIII, car on a l'impression que l'équipe agit comme une seule et unique entité. D'où est venue cette idée ?
Motomu Toriyama : Comme vous le dites, vous ne pouvez contrôler qu'un seul personnage. La nouveauté vient du fait que les deux autres personnages de votre équipe agissent en même temps afin d'accentuer le réalisme du combat. Vous devez simplement régler l'intelligence artificielle ainsi que la formation grâce au système de stratégies. Cela ne veut pas dire que vous devez absolument vous y tenir. Vous devez analyser la situation actuelle et vous y adapter en changeant de stratégie afin de remporter la bataille. L'un de nos concepts de base était de créer des combats qui soient à la fois rapides et stratégiques, alors nous avons dû beaucoup réfléchir pour savoir comment accorder ces deux aspects. Nous avons pensé au système de stratégies, mais il nous a fallu longtemps avant de réussir à le faire marcher. Il s'est enfin mis à fonctionner correctement il y a environ un an, juste avant la sortie de la première démo jouable.
Yoshinori Kitase : A propos de l'origine de cette idée, j'ai le sentiment que les combats ressemblent un peu au football. Vous jouez le rôle de l'entraîneur, et vous avez sous vos ordres les joueurs sur le terrain. Vous devez analyser ce dont chaque joueur est capable, leurs points forts et leurs points faibles, et changer la formation en conséquence. Selon la situation, vous devez avoir besoin de plus de milieux de terrain que d'attaquants. Si vous êtes plutôt d'humeur offensive, vous pouvez avoir trois personnages en Attaquant, mais si les choses deviennent difficiles, alors vous pouvez opter pour une approche plus défensive ou vous soigner. Vous devez comprendre la situation le plus rapidement possible et changer de stratégie pour adopter une formation plus appropriée.
Final Fantasy Ring/World : Pourquoi avez-vous créé de nouvelles invocations pour Sazh et Vanille, au lieu d'utiliser les invocations récurrentes de la série ?
Motomu Toriyama : Bien sûr, les invocations sont l'un des symboles de la série Final Fantasy. Nous avons reçu beaucoup de demandes de la part des fans, mais si nous reprenions sans cesse les mêmes invocations, elles finiraient pas devenir ennuyeuses. A chaque fois, nous voulons en ajouter de nouvelles pour donner une impression de nouveauté.
La beauté technique était impossible dans les plus anciens Final Fantasy. Cette nouvelle technologie rend-elle la conception plus difficile ?
Yoshinori Kitase : Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais je tiens à rappeler que FFXIII est le premier épisode multiplateforme, et aussi le premier à sortir sur des consoles aux graphismes en haute définition. C'était la première fois que nous travaillions avec un moteur conçu par une équipe interne, alors c'était un vrai défi pour nous. Nos programmeurs ont travaillé dur, car en plus de concevoir un moteur pour le XIII, il fallait qu'il soit ajusté pour être utilisé sur le XIV, lui aussi un jeu en haute définition. Le plus grand défi était de faire en sorte que l'environnement de travail soit le plus propice à la création des jeux.
Final Fantasy Ring/World : Il y a beaucoup de chansons dans la bande originale, y compris pendant les séquences jouables, ce qui est très inhabituel. Pourquoi avez-vous choisi d'utiliser des chansons comme accompagnement musical ?
Motomu Toriyama : Comme nous parlons ici de consoles plus puissantes qui peuvent gérer des graphismes en haute définition, vous attendez de nous que nous produisions des graphismes de meilleure qualité mais, d'une certaine manière, c'est une garantie. En terme de musique, nous devions donc de faire un même saut en avant. A l'heure actuelle, nous sommes capables de produire de la musique dont la qualité est comparable à celle que vous écoutez sur vos iPods. Nous avons tenté tout un tas de choses, comme par exemple l'enregistrement avec un orchestre et des choeurs. Nous avons aussi essayé d'ajouter des chansons pour porter la qualité musicale de Final Fantasy à un niveau supérieur. Comme le compositeur, M. Hamauzu, est très talentueux, il a réussi à créer une expérience musicale vraiment complète. Nous espérons que la bande originale sera elle aussi considérée comme un aspect attractif de ce Final Fantasy.
De nombreux RPG avec un système de combat en temps réel sortent en ce début d'année. Selon vous, est-ce la fin des systèmes au tour par tour ?
Yoshinori Kitase : Pour que les choses soient bien claires, FFXIII n'est pas un RPG au tour par tour. Dans ce jeu, les joueurs doivent analyser la situation et changer leur stratégie en temps réel. Je pourrais vous dire que les RPG qui arrivent en ce début d'année cherchent à se différencier de FFXIII parce qu'ils veulent vendre quelque chose de différent, mais peut-être aussi de plus maladroit. FFXIII est ni au tour par tour, ni en temps réel. Il possède son propre style.
Propos recueillis par Bastien Péan (Kyoshiro) et Jérémie Kermarrec (KujaFFman)
Un grand merci à Square Enix France, plus particulièrement à Charles et Rodney