En 2007, Square Enix annonçait vouloir mettre le paquet pour fêter le vingtième anniversaire de sa série phare. Comment ? En publiant un nouveau jeu sur PSP, original cette fois, réunissant une belle brochette de personnages issus des différents épisodes de Final Fantasy. Si ce projet sentait le fan service à plein nez, force est de constater que les développeurs ont privilégié l'application à la précipitation. Résultat, Dissidia Final Fantasy sort fin 2008 sur le sol nippon avec un an de retard. C'est maintenant à nous, européens, de nous joindre à la fête, même si notre relation amoureuse avec la saga n'a réellement commencé qu'en 1997. Pour la peine, nous avons même le droit à une édition collector de choix, contenant quelques friandises qui raviront les fans. Voici notre test complet de la version française de ce jeu de combat qui, ô joie, a subi quelques améliorations intéressantes par rapport à la version originale.
Réunion de famille
Univers, époques et histoires différentes. Certes, on peut trouver de nombreuses relations entre tel ou tel Final Fantasy, mais comment faire pour réunir autant de protagonistes au sein d'un même jeu, avec une trame qui ne paraisse pas totalement farfelue ? Cette question, les scénaristes Harunori Sakemi et Daisuke Watanabe ont dû se la poser des centaines de fois. Pourtant, de leur plus belle écriture, ces deux machines à fantasy sont parvenues à un compromis : créer un scénario original sans prise de risques, en réutilisant les grands classiques scénaristiques, ceux qui fonctionnent à tous les coups que l'on soit fan ou pas. L'histoire de Dissidia Final Fantasy met donc en scène deux divinités : la déesse de l'harmonie Cosmos, et le dieu de la discorde Chaos. Si leur guerre dure depuis des temps immémoriaux, Chaos semble aujourd'hui tenir les rennes : il a chargé dix ténébreux combattants mettre la main sur les Cristaux de leurs mondes. Cosmos, terriblement affaiblie, va alors à son tour faire appel à dix héros pour récupérer ses précieuses pierres, et ne pas laisser le destin de leurs planètes entre de bien mauvaises mains.
Comme vous le savez probablement déjà, le casting se compose de vingt personnages principaux (un héros et un antagoniste pour chacun des dix premiers épisodes de la série), accompagnés de deux invités de choix, que nous ne nommerons par respect pour les joueurs souhaitant les découvrir par eux-mêmes. Dans le mode principal du jeu, le mode narration, le joueur peut vivre les Odyssées de chaque personnage. Le mélange, l'idée par exemple de voir s'affronter Squall et Garland, est un vrai régal, un doux rêve qui sommeillait sûrement dans l'esprit de nombreux joueurs pendant toutes ces années. Il est maintenant réel, et même si les dialogues sont le plus souvent assez caricaturaux et sans grand intérêt, ils ont le mérite d'être nombreux. Comme d'habitude, notre version bénéficie d'un doublage américain de très bonne facture, accompagné d'une traduction intégrale des textes dans la langue de Molière. Le travail a été bien fait : les compétences, les équipements, les arènes et les termes de combat ont été traduits avec soin, même si quelques incohérences, des détails, n'échapperont pas aux plus renseignés. On appréciera quand même le fait que quelques-unes des nombreuses phrases très clichées de la version japonaise aient été revues et corrigées.
Des modes à foison
Comme la plupart des jeux de combat, Dissidia propose au joueur de s'essayer à différentes épreuves plus ou moins corsées. Bien sûr, le Mode narration est celui sur lequel on passe le plus de temps, mais d'autres viennent allonger la durée de vie du titre : combat rapide, colisée (basé sur un système de cartes à tirer), multijoueur (ad-hoc malheureusement), et les nouveautés des version européennes : les modes arcade et attaque chronométrée. Le premier est intéressant car il met à disposition tous les personnages du jeu, avec des équipements et compétences basiques. Pratique pour jouer rapidement avec ses héros favoris. En enchaînant plusieurs combat, il est possible de remporter des objets utiles pour la progression du mode narration. Le mode attaque chronométrée, disponible contre 10.000 PJ dans le catalogue permettant de déverrouiller les bonus, est réservé aux joueurs expérimentés : les adversaires disposent des meilleurs équipements, des meilleurs techniques, et doivent être vaincus dans un temps limité... Un challenge supplémentaire que les plus courageux apprécieront.
Revenons rapidement sur le mode narration. Chaque Odyssée du destin est divisée en cinq niveaux différents représentés par une plate-forme en damier. Les cases renferment soit des ennemis à combattre, soit des objets (des potions ou des équipements, très nombreux au passage). En fin de chapitre, en plus d'avoir la satisfaction d'avoir vaincu les forces du mal, vous recevez un certain nombres de PJ, qui permettent de débloquer les fameux bonus du catalogue, à savoir de nouveaux personnages jouables, des tenues alternatives, des environnements... Notez qu'il n'est plus nécessaire d'accomplir toutes les Odyssées pour accéder à l'Inspiration de l'ombre, où vous attendra le boss final. Une seul suffit, et c'est en ça que l'on peut considérer que la durée de vie de cette version occidentale est limitée (en réalité il ne s'agit que d'un raccourci : si vous le désirez, vous pouvez compléter le jeu dans son intégralité comme dans la version japonaise). Il est enfin possible de contempler les informations du mode musée, véritable bible, qui compile des informations sur chaque protagoniste, des artworks, des musiques, des cinématiques. Un vrai bonheur !
Observation, réflexion, action !
Avec autant de richesse dans son contenu, on pourrait croire que les efforts des développeurs s'arrêtent là. Non, le point fort de Dissidia Final Fantasy est bien son système de combat intitulé dramatic progressive action. À la jonction entre vitesse, tactique et stratégie, il propose au joueur une expérience nouvelle. Les combats reposent sur un mécanisme bien particulier : il est inutile de frapper son adversaire sans lui avoir au préalable volé assez de points de Bravoure (sorte de jauge de puissance). Quand la Bravoure de l'ennemi chute à 0, il tombe en syncope (break dans la version originale), une attaque physique lui serait alors rudement douloureuse, et ses PV verraient rouge. En fait, c'est ce système très ingénieux qui donne une classe inimaginable aux assauts de Dissidia : les personnages se cherchent en permanence, et chaque syncope amène une tension supplémentaire. Ajoutez à cela la possibilité de flirter avec le décors, d'effectuer des coups spéciaux monstrueux (répliques des jeux originaux, les rafales EX, qui font appel à des petites QTE bien pensées), de balancer des invocations, et vous obtenez un jeu génial, tout simplement.
Si les combats sont très rapides au début de l'aventure, ils se compliquent au fur et à mesure de la progression. Les ennemis sont de plus en plus redoutables, c'est à ce moment précis que l'aspect RPG entre en jeu. Chaque bataille permet au joueur de remporter des points d'expérience. Ceux-ci, comme dans tout bon jeu de rôle qui se respecte, permettent d'améliorer les statistiques et les compétences du héros. D'un autre côté, les équipements gagnés ont aussi un rôle majeur, les armes ultimes étant dévastatrices, les dernières armures très efficaces. Cet aspect collectionnite que les japonais affectent tant marche bien : on se surprend à enchaîner les affrontements pour connaître la nature de la prochaine compétence ou de l'équipement qui nous attend. Pari gagné.
Un bel emballage
S'il y a bien une console que Square Enix dompte à merveille, c'est la PSP. Crisis Core en est la preuve. Cette fois-ci, décors et personnages sont un (petit) cran en dessous, mais l'animation et les effets spéciaux en combat sont tellement impressionnants qu'on n'en tient pas rigueur. Il est d'ailleurs à noter que chaque personnage a été relooké par Tetsuya Nomura himself. Du coup, certains gagnent en classe, d'autres sont moins convaincants, mais le tout est uniforme. Exception qui confirme la règle : Kefka (le grand malade, très apprécié, de Final Fantasy VI), qui se démarque par son style graphique inspiré par John Romita Jr. et autres dessinateurs de comics américains. Ceci dit, il se détache aussi par son doublage, totalement fou. Mention spéciale aussi pour les décors, partiellement destructibles, qui accentuent parfaitement l'ambiance saisissante des affrontements déjà très aériens.
Côté musiques, Takeharu Ishimoto a réalisé du bon boulot. Ses compositions originales sont réussies, même si l'interprêtation qui en est faite laisse à désirer, mais cet avis est purement subjectif. Pour le reste, on retrouve une grande partie de titres directement extraits des bandes originales des jeux. Tous les morceaux n'ont pas subit de lifting, rendant l'OST bancale, mais les quelques arrangements apportent davantage de profondeur aux thèmes initiaux, déjà épiques. D'ailleurs, Eidos, distributeur du jeu dans nos contrées, a décidé de sortir la bande originale dans son édition deluxe en France. Mélomanes et collectionneurs, rendez-vous par ici.
Avec une série aussi géniale que Final Fantasy, il aurait été difficile de faire de Dissidia Final Fantasyun mauvais jeu. Quoi que, Square Enix aurait pu se contenter d'un jeu de combat sans saveur, avec des graphismes bâclés, une bande originale fade. Ce n'est heureusement pas le cas ! Le nombre d'heures qui vous attend est colossal, notamment grâce aux modes ajoutés dans cette version occidentale auquel même un joueur non initié à la saga pourra se frotter. Nous voilà face à l'un des meilleurs soft de la PSP, dans lequel on peut investir les yeux fermés, en attendant une hypothétique suite évoquée par les développeurs mais pas encore d'actualité. Peut-être dans dix ans...