Test
Dragon Quest IX sur Nintendo DS, qui l'eût cru ? Pas grand monde, à en croire les réactions houleuses des fans japonais et occidentaux suite à l'annonce d'un nouvel épisode numéroté sur la portable de Nintendo. Craignant une technique désastreuse et un contenu moins conséquent que le huitième volet développé sur PlayStation 2 et resté dans le cœur de nombreux joueurs, ces afficionados de haute définition ont tourné le dos auxSentinelles du Firmament avant même d'en voir la couleur. Pourtant, le nouveau poulain de Yūji Horii rencontre déjà un franc succès en squattant plus de 4 millions de poches. La folie Dragon Quest continue. Tentons de comprendre pourquoi.
Ange ou démon ?
Chacun le sait, la série Dragon Quest n'a jamais été connue pour bouleverser les habitudes des joueurs. Un univers médiéval fantasique, un coup de crayon resté le même depuis des années, un compositeur attitré, un bestiaire qui ne change pas... Après tout, c'est sûrement ce qui plait aux japonais, qui sont toujours plus nombreux à camper devant leur magasin de jeux-vidéo pour se procurer le Saint Graal. Dragon Quest IX : Les Sentinelles du Firmament ne triche pas avec les traditions, mais parvient quand même à conserver le meilleur tout en faisant abstraction des côtés pénibles et fastidieux de certains volets de la saga. Ainsi, après avoir rapidement créé son personnage en en choisissant le nom et l'apparence physique via l'éditeur que l'on croyait plus poussé, le joueur est immédiatement propulsé dans cet univers où se mêlent magie, religion et tristesse.
Au royaume des Célestelliens, chaque ange rêve de voir un jour pousser un fruit sur l'Yggdrasil culminant au sommet de l'Observatoire. Ainsi, les petits êtres ailés veillent sur les hommes, qui à chaque miracle cristallisent leur foi en une énergie appellée bienvellessence, elle même qui permet à l'arbre sacré de reprendre des couleurs. Le début de l'aventure plonge le joueur dans la peau d'un apprenti ange protecteur du village de Chérubelle, qui assistera à un drame sans précédent une fois revenu en terre celeste. Des fruits éparpillés sur Terre, un ange dêchu de ses pouvoirs et un mystère qui plane autour de ce train que l'on appelle Orion Express, voilà ce que réserve cette mouture. Qu'on se le dise, ce n'est encore pas cette fois-ci que l'on assistera à des coups de théâtre. Le scénario de Dragon Quest IX se veut simple et efficace, et ne creuse toujours pas la psychologie des héros, vu que vous seul avez le pouvoir de les créer via l'éditeur. La crème du classique : des forces maléfiques, un arbre menacé, une bonne fée niaise et dyslexique. Enfin, si les précédents volets s'aventuraient dans de longs voyages épiques, Dragon Quest IX regorge, lui, de courtes missions qui font progresser la trame. Ainsi, notre héros parcourt le monde de ville en ville, en tentant à tout prix de mettre le doigt sur ce qui ne tourne pas rond dans chacun de ces microcosmes. Déçu de cette orientation ? Level-5 a une excuse en or : le mode multijoueur, qui pour le coup s'adapte parfaitement à ce schéma narratif.
Quatre fois plus de plaisir
Si Dragon Quest IX aurait dû être un Action-RPG, c'est notamment parce que les développeurs avaient en tête de proposer pour la première fois une aventure que l'on pourrait parcourir entre amis. L'idéal aurait été de mettre en place un mode en ligne, mais la Nintendo DS reste très limitée dans ce domaine. Une fois connectés à la taverne d'Albithia, plaque tournante du Protectorat, jusqu'à quatre copains peuvent gambader dans les champs main dans la main. Il est alors possible de faire progresser le scénario du joueur qui héberge la partie, dans l'idéal le moins avancé pour éviter de gâcher le plaisir des autres, ou de partir à la chasse aux trésors. Une excellente idée, car si les trois autres guerriers en herbe connaissent probablement déjà les tenants et aboutissants de l'histoire, leur collègue se fera un plaisir d'avancer avec des alliés intelligents et puissants.
La quête solo permet en effet de créer quatre aventuriers, dont trois peuvent être gérés par l'intelligence artificielle grâce aux Tactiques. Quelles que soient les Vocations que vous choisissez, si les premiers combats ne posent pas vraiment de problème, on assignera vite soi-même les actions de tous ses héros notamment pour être sûr de vaincre les boss de fin de donjon sans encombre. Avec leurs stratégies et leur caractère bien trempé, il est effectivement difficile de venir à bout de ces sales bestioles en comptant sur les choix parfois curieux de ses alliés gérés par l'IA, et ce malgré les différentes attitudes que peuvent prendre les combattants ("soins avant tout" par exemple).
Les combats de Dragon Quest IX présentent deux principales nouveautés, vestiges de l'orientation action qui était prévue avant que les fans japonais ne crient au scandale. Ainsi, les affrontements ne sont plus aléatoires. Enfin, presque. Disons que les groupes d'ennemis sont représentés dans les environnements, et que les combats sont donc très facilement esquivables sur la carte du monde. En revanche, ils deviennent presque obligatoires dans les donjons, notamment à partir de la moitié du jeu, tant les couloirs sont biscornus. Les bestioles sont également nombreuses, et assez vives : elles n'hésiteront pas à vous courser si vous les provoquez. À vous d'être le plus rapide, et de tenter de les contourner pour les surprendre. Vous pourrez alors commencer votre combat, et profiter de la seconde innovation : les multiplicateurs de dégâts qui surviennent selon le nombre de coups qu'encaisse un même monstre. Avec ces nouvelles approches, Square Enix fait mine de rien un grand pas dans l'histoire de la série qui est d'habitude très peu entreprenante. Mais un Dragon Quest reste un Dragon Quest : combattre est essentiel pour gagner des niveaux et espérer progresser dans l'aventure sans se retrouver rapidement à l'église avec moitié moins d'économies.
Joli, mais à quel prix ?
Le talent de Level-5 en termes de réalisation graphique n'est plus à prouver. L'Odyssée du Roi Maudit avait fait des merveilles sur PS2, Les Sentinelles du Firmament est tout aussi impressionnant. Rares sont les jeux proposant une 3D aussi jolie sur Nintendo DS. Il faut quand même bien avouer que certaines textures sont grossières, et que certains sprites n'ont été modélisés qu'en 2D, mais les environnements et les personnages sont d'une finesse irréprochable. D'ailleurs, on se surprend souvent à s'amuser avec l'équipement de ses héros, qui apparaît directement à l'écran. La quête des mini-médailles vous permettra d'ailleurs de récupérer quelques tenues et objets assez cocasses.
Malheureusement, la Nintendo DS a ses limites. La cartouche essouffle assez régulièrement la console, notamment lorsque les personnages ou éléments graphiques sont trop nombreux à l'écran, ce qui se traduit par des ralentissements pas vraiment gênants, mais présents. Il faut dire que l'architecture des villages parcourus est tout simplement grandiose : chaque nouvelle contrée se distingue par un climat, une ambiance et un style différent. Les monstres comme les personnages, eux, sont hérités de la patte d'Akira Toriyama dont le style n'a définitivement pas changé. L'éditeur de personnages est d'ailleurs assez drôle, car il permet de recréer à quelques détails près pas mal des héros déjà dessinés par le père de Dragon Ball. C'est un style qui plaît ou non, toujours est-il que le rendu à l'écran est très agréable à l'œil.
Une fois encore, c'est l'increvable Kōichi Sugiyama qui s'est chargé de la bande-originale du titre. Seules les musiques de l'écran principal et du menu de sauvegarde sont reprises des précédents volets. Pourtant, il subsiste une impression de déjà vu. À croire que les compositions ne sont pas assez nombreuses, ou trop similaires. Heureusement, leurs qualités sont indéniables, et le bonhomme parvient à coller au plus près de l'ambiance visuelle et scénaristique pour nous faire naviguer au beau milieu de cet océan de poésie.
Dragon Quest IX : Les Sentinelles du Firmament est une petite bombe qui montre que la portable de Nintendo est devenue une véritable référence en matière de RPG. Les joueurs n'accrochant pas à la saga ne parviendront pas à trouver un quelconque intérêt à ce neuvième volet, car même si les quelques nouveautés sont très agréables, l'essence même de Dragon Quest est conservée. Quarante heures pour la quête principale, des centaines pour parvenir à récupérer toutes les médailles et les recettes d'alchimie : les hardcore gamers s'y retrouveront, tout autant que les petits nouveaux qui voudraient découvrir la série. Dragon Quest IX est un peu la Rolex du RPG japonais. Ne ratez pas votre vie.