Trois ans après Kingdom Hearts II, les petits Européens que nous sommes commencions à désespérer de ne plus pouvoir rencontrer de nouveaux Sans-cœur, malgré toutes les promesses naissantes des prochains opus de la deuxième série phare de Square Enix. Fébrilement, les fans regardaient alors une énième fois les cinématiques qui récompensaient magistralement un achèvement complet du second opus. Aujourd'hui, alors que la réponse à The Keyblade War vient de débarquer chez nous avec l'excellent Birth by Sleep sur PSP, il semble indispensable de s'atteler à Kingdom Hearts 358/2 Days, pour enfin donner un sens à cette obscure vidéo où deux encapuchonnés dévalaient à la verticale des immeubles, keyblades à la main. Voici notre avis sur cet épisode hors-série réservé aux fans.
La suite de la génèse
Soyez rassurés, vous n'avez pas manqué les 357 autres épisodes entre Kingdom Hearts II et celui-ci. La complexité de l'œuvre Kingdom Hearts, qui n'avait pour postulat de départ qu'un crossover inattendu entre les personnages de Final Fantasy et ceux de Disney, n'a fait que s'enrichir au fil des années et des épisodes, qu'ils aient été opus principaux sur la console de Sony ou bien annexes remarquables sur GameBoy Advance et téléphone mobile. Kingdom Hearts 358/2 Days s'inscrirait plutôt dans la liste des épisodes annexes, aucunement obligatoire pour comprendre la série originelle, mais intéressant pour avoir des précisions sur certains faits principaux et créer un univers riche et cohérent.
Mais ce qui est un atout pour les fans peut aussi être un obstacle pour les non initiés. Dès le commencement du jeu, et de par un habile bon en arrière dans le temps, nous découvrons donc Roxas, le simili de Sora, en proie à son amnésie et à un questionnement sur le monde qui l'entoure, sur lui-même et ses relations avec les autres membres de l'Organisation XIII. Et même si cet épisode peut-être joué sans une connaissance parfaite de l'univers Kingdom Hearts, le joueur lambda est rapidement catapulté dans un univers dont les tenants et les aboutissants ne lui seront pas expliqués clairement. Les divers protagonistes rencontrés sont également amplement survolés pour se focaliser sur Roxas, Axel et Xion, troisième membre de l'éternel trio de héros made in Kingdom Hearts et quatorzième membre de l'Organisation XIII. Le jeu prend donc le temps d'installer l'histoire, narrée au jour-le-jour par Roxas qui découvre en même temps que le joueur le quotidien de cette mystérieuse confrérie qui cherche à tout prix à rassembler un maximum de cœurs. Les premiers temps de jeu sont ultra-dirigistes : un tutorial sur les missions à accomplir, les armes, les récompenses, l'évolution, les lieux, les combats... L'idée est classique, efficace, mais en pratique, trop longue pour ne pas lasser tant les aides de jeu apparaissent encore et encore au fur et à mesure que les heures de jeu s'égrènent.
Une fois que le jeu lâche la main du joueur pour enfin le laisser libre, on se rend rapidement compte que le principe une mission / un jour – qui convient pourtant bien au leitmotiv de la DS, avec une mission qui peut convenir à un trajet en bus pour aller travailler – dessert une narration et devient trop vite répétitif. Les lieux diffèrent mais les objectifs restent identiques : tuer un nombre précis de Sans-cœur, explorer la ville en récoltant divers indices sur les lieux... Les directives se ressemblent toutes, et on se surprend à bâcler intentionnellement les missions sans intérêt pour plus rapidement accéder à celles qui apportent réellement quelque chose au scénario.
Soyons franc : la majeure partie du jeu garde la part belle à l'action et à la boucherie de Sans-cœur. Pas de mini-jeux, pas de quêtes annexes mis à part un système d'holo-mission permettant de rejouer les quêtes déjà effectuées avec des objectifs plus ou moins différents. À noter aussi, cette narration hachée qui traîne en longueur : voilà qui en découragera plus d'un. Les plus assidus trouveront tout de même de quoi se mettre sous la dent pendant plus d'une trentaine d'heures de jeux, avec de nombreuses références aux autres chapitres, notamment Chain of Memories et Kingdom Hearts II, cet opus se situant en même temps que le premier et juste avant le second.
Plein les yeux, plein les oreilles
Malgré le fait que la console de Nintendo soit la moins puissante du marché actuel, on ne peut qu'être subjugué par la cinématique de lancement du jeu, intégralement en images de synthèse. La firme est véritablement douée en la matière, et nous le montre une fois encore. La transition avec les séquences de dialogue dans le jeu se fait sans aucun problème, avec de sublimes animations, des personnages aux expressions faciales bluffantes et une mise en scène à la hauteur des versions PlayStation. Le moteur du jeu ne souffre d'aucun ralentissement malgré les ennemis parfois nombreux ou immenses à l'écran, et les décors entièrement en 3D. On retrouve donc avec une joie non dissimulée des lieux déjà visités, qui semblent peut-être un peu vides par rapport aux versions originales, mais qui sont néanmoins suffisamment fidèles pour nous immerger dans l'univers.
En revanche, que ceux qui s'attendent à croiser les innombrables têtes connues des Disney et Final Fantasypassent leur chemin : l'Organisation XIII se doit de rester discrète, et l'apparition succincte des habitants des différents mondes visités laisse le joueur sur sa faim. N'imaginez donc pas combattre contre Sephiroth ou vous mesurer à Hercules : ces derniers n'apparaîtront que pour donner un prétexte à une nouvelle mission ou pour en conclure une autre. Cet aspect déroutera le connaisseur qui s'attendait à plus de connexions entre les deux univers, comme dans les précédents chapitres.
Quant aux compositions de Yōko Shimomura, elles sont comme à chaque fois un modèle de sobriété et d'élégance. Les thèmes des différentes villes n'offrent pas de remaniement notable par rapport aux versions déjà entendues, mais leur adaptation au chipset de la DS est agréable à l'oreille. Les musiques connues sont toutes au rendez-vous, avec malheureusement seulement quelques inédits pour les adeptes en manque de nouveautés à écouter. Les sons restent eux aussi de bonne facture, et on a presque l'impression de se retrouver face à la version PS2, dans une version transportable. Que demander de plus ? Un doublage français ?
En avant le multijoueur
Comme précédemment, il est agréable de retrouver un gameplay propre aux fabuleux épisodes de la console de Sony, tant le système de combat et la maniabilité avaient fait le ravissement des joueurs, de part une prise en main rapide et habile et des enchaînements à la portée de tous. Ici, la même recette est appliquée grâce à la DS. On se rappelle tous du compromis qu'avait effectué Square Enix lors de la conception de Chain of Memories avec son système de combat à base de decks de cartes qui, avouons-le, était malgré tout loin d'être mauvais. Mais ici, le potentiel de la DS est utilisé à 100% pour obtenir une liberté de combat proche d'unKingdom Hearts classique. Combos, sauts périlleux, lock de l'ennemi, roulades, esquives, contre-attaques, tout est exécutable et paramétrable en un tour de main. La maniabilité de Roxas reste parfaite de bout en bout, et les combats y gagnent en intensité et en efficacité. Seul bémol : une caméra qui a un peu trop tendance à se coincer ici et là, mais rien d'insurmontable pour qui joue de la gâchette.
Roxas dispose à la base de caractéristiques de force, de magie, de défense, de pourcentage de critiques et de bonus critiques. S'ajoutent à ça les rituels points d'expérience qui permettent de grimper de niveaux, et vous aurez une évolution classique. Seulement ici, pas d'armes à s'équiper, pas d'objets dans sa besace ni de protections à enfiler, mais un damier de cases vides à remplir. Le reste n'est qu'une histoire de panneaux à implémenter, qu'ils soient des panneaux d'armes, d'objets, de magies, de compétences, d'accessoires et même de niveaux. Chaque panneau remplit une ou plusieurs cases en une forme bien définie, et il faudra rapidement choisir les emplacements de ces formes pour ne pas perdre de place dans le damier. D'autres panneaux d'armes ou de compétences pourront aussi accueillir à leur tour des espaces permettant d'augmenter les caractéristiques de ladite arme ou compétence, ce qui rend ce concept customisable à l'infini. Il serait trop long de détailler ici toutes les possibilités qu'offre cette interface, mais on peut sans doute dire qu'il y a là un des attrait majeur de ce jeu tant elle est originale et bien pensée.
L'autre spécificité est évidemment le mode multijoueur, première pour un Kingdom Hearts, qui donne tout son attrait aux missions parfois rébarbatives du mode solo. Celles-ci, une fois à quatre joueurs, deviennent subitement bien plus attrayantes et offrent parfois des challenges corsés. Outre l'aspect d'entraide entre les joueurs, l'accent est aussi mis sur la compétition entre eux : en effet, à l'issue de chaque mission, un classement des protagonistes est réalisé, offrant diverses récompenses aux meilleurs en fonction des monstres occis et des coffres récupérés. Si la coopération est de mise pour atteindre les fins de niveaux, il n'est pas rare de se bousculer les uns les autres pour accéder à de précieuses gemmes relâchées par les ennemis. Un mode multijoueur diablement alléchant qui vient se poser en atout non négligeable pour un jeu déjà séduisant.
Kingdom Hearts 358/2 Days sort des sentiers battus avec un mode multijoueur et un système d'évolution complètement inédits, tout en suivant le pas de ses aînés en retranscrivant les graphismes et le gameplay addictif des premiers opus. Le scénario laisse à désirer pendant la première partie de l'aventure, mais n'en reste pas moins un très bon complément d'information pour tout fan de la série. Et les néophytes alors ? Ils passeront leur chemin.