Dragon Quest Monsters: Joker est mort, vive Dragon Quest Treasures ! Surfant sur le succès insolent de l'excellent Dragon Quest XI, Square Enix commence les célébrations du 35e anniversaire de sa poule aux œufs d'or avec ce nouveau projet qui emprunte plusieurs bonnes idées aux précédents jeux de Taichi Inuzuka. Car on le sait depuis bien longtemps : les monstres de Dragon Quest, crayonnés par le maître Akira Toriyama, sont le véritable trésor de la série. Série qui une fois encore se détourne de son ADN initial pour s'aventurer vers de nouvelles inspirations. Un pari réussi malgré une réalisation technique en demi-teinte.
Le journal de Treasures
Après sa courte introduction sans grand intérêt, Dragon Quest Treasures embarque le joueur dans le monde de Draconia en compagnie de Porcellus et Persiana, deux petits compagnons qui dicteront le rythme de l'aventure. Dans ce monde fortement inspiré par Xenoblade Chronicles, toutes proportions gardées, tout est à peu près nouveau. On retrouve évidemment Eric, voleur espiègle emblématique de Dragon Quest XI, sa sœur Mia, le bestiaire iconique et quelques clins d'œil à d'anciens épisodes, mais il n'y a aucune nécessité d'avoir joué aux Combattants de la Destinée pour partir à la chasse aux trésors. L'histoire tient même sur un timbre poste, elle n'est qu'un prétexte pour réunir tout ce petit monde dans un grand archipel bac à sable : 5 îles très différentes à explorer et une zone centrale, votre base, qui accueillera de plus en plus d'individus à mesure que vous progresserez. Le système de jeu repose sur une mécanique bien huilée — la fameuse boucle de gameplay — qui consiste à partir en expédition pour dénicher et collecter des trésors, abattre et recruter des monstres, accumuler du loot afin de créer de nouveaux objets ou remplir les conditions de certaines missions. Ce sont au total sept pierres draconiques convoitées par d'autres chasseurs sur lesquelles il faudra mettre la main pour boucler votre quête digne d'un shônen.
La trame principale, qui repose en partie sur l'accumulation de trésors dont la valeur est estimée à chaque retour au bercail pour faire grimper le niveau du clan, s'étale sur une trentaine d'heures. C'est très honorable et même si la ritournelle des allers-retours est redoutablement répétitive à la longue, les très nombreuses quêtes annexes offrent de véritables respirations. Celle qui consiste à restaurer les différentes gares, par exemple, se révèle très utile car elle encourage l'exploration des différents biomes et permet ensuite de se déplacer bien plus vite pour accomplir les tâches suivantes. À l'image d'un MMO, certains objectifs sont assez poussifs et allongent artificiellement la durée de vie : le recrutement des monstres amadoués et la construction d'objets nécessitant la récolte d'ingrédients parfois bien planqués. Malgré tout, la valeur aléatoire des coffres déterrés et le risque de tout perdre au moindre KO, et ce malgré un challenge très modéré, rendent Dragon Quest Treasures particulièrement addictif.
Violon dingue
S'ils sont d'une aide précieuse lors des combats, les monstres recrutés et associés à votre équipe sont surtout utiles pour localiser les butins grâce à leurs monstrovisions et à exploiter la verticalité du level design avec leurs capacités spéciales (le tremplin ou le vol par exemple). Et vu du ciel, Dragon Quest Treasures ne se montre pas sous son meilleur jour. Malgré une direction artistique colorée plutôt charmante et l'utilisation de l'Unreal Engine 5, la Switch peine à afficher tous les éléments sans se confronter à un clipping désagréable et des textures baveuses par endroit, à l'image d'un certain Légendes Pokémon : Arceus. Que ce soit en mode docké ou en portable, le framerate est lui aussi souvent poussé dans ses retranchements : dans les environnements extérieur, l'écran peine à afficher une image à la fluidité constante quand l'action est trop intense ou que le nombre de monstres augmente. On est loin des performances techniques de l'extraordinaire portage de Dragon Quest XI, dont Dragon Quest Treasures reprend d'ailleurs l'horripilante mélodie de la carte du monde — rappelez-vous, Square Enix avait même fini par proposer de la remplacer par celle de Dragon Quest VIII. Côté musiques, ce spin-off se contente la plupart du temps de recycler les compositions de Kôichi Sugiyama, disparu l'année dernière. Je dois être tout à fait honnête : il ne m'aura fallu que quelques heures de jeu pour totalement couper le volume des musiques dans les (très maigres) options, les torts étant partagés avec le court air de violon, très strident, qui accompagne chaque découverte de trésors. À raison d'un trésor déterré toutes les 5 minutes, je salue le courage des aventuriers qui subiront cela sans broncher. C'était au-dessus de mes forces et j'ai du mal à comprendre cette décision... artistique ?
Dragon Quest Treasures réunit deux héros, aussi est-il possible d'alterner entre Erik ou Mia sans que cela n'ait de réelle incidence sur le déroulement des combats. Pendant ce temps, le comparse peut se livrer à des expéditions automatiques qui permettent à la fois de faire grimper le niveau des monstres de la réserve mais aussi de trouver quelques objets ou augmenter la valeur de la salle du trésor. La personnalisation de l'équipement est chiche, la palette de coups très pauvre, tout comme les combos. S'il s'agit d'une bonne entrée en matière dans le monde merveilleux des RPG d'action pour les plus jeunes joueurs, les adultes ou les experts se tourneront vers des titres offrant plus de challenge, de diversité de mouvements et d'optimisation. Seuls les affrontements de boss et les rencontres avec les clans adverses distribuent une petite dose de sensations fortes, notamment quand il est nécessaire d'avoir recours au lance-pierre, dont la prise en main est tout sauf spontanée. On finit par considérer Treasures comme un no-brainer bien ficelé inspiré par les jeux smartphone à succès de Square Enix et à l'aura moins prestigieuse qu'un Dragon Quest Builders. Un no-brainer à 60€ tout de même.
Alors que la série principale reste attachée au tour par tour et à une écriture sacrée, les épisodes annexes de Dragon Quest s'aventurent volontiers vers des expériences plus légères et foutraques. Avec Dragon Quest Treasures, Square Enix tient le joueur en haleine grâce à des mécaniques de collecte et de crafting efficaces, et cette sensation d'être toujours récompensé pour le temps passé à jouer. L'exploration et la diversité des objectifs sont les forces incontestables de ce titre, mais la pauvreté du système de combat, la réalisation technique chancelante et les allers-retours incessants décourageront les joueurs les moins patients. Treasures est amusant mais pas mémorable, captivant mais pauvre scénaristiquement. Il restera dans l'ombre de son grand frère, Dragon Quest XI, qui demeure l'un des maîtres du RPG japonais sur Switch.
Jeu testé à partir d'une version Nintendo Switch fournie par Square Enix.