Interview : Daniel Andreyev, La Légende Dragon Quest
Après avoir décrypté l'intégralité de la série Final Fantasy, les éditions Third s'attaquent à Dragon Quest avec un nouvel ouvrage intitulé « La Légende Dragon Quest ». Quand j'ai appris que Daniel Andreyev serait aux commandes de ce nouveau livre, je savais que je me plongerais avec plaisir dans ces centaines de pages. Il y a quelques jours, Daniel et moi-même avions rendez-vous dans un petit restaurant chinois du 11e arrondissement de Paris pour engloutir quelques sticks de tofu sel-poivre et faire ce que l'on fait de mieux : parler de notre passion commune pour la série. Sans oublier le processus d'écriture de cet épais bouquin, disponible dès aujourd'hui.
Je crois savoir que tu étais plutôt team Master System étant petit. Quel a été ton premier contact avec la série Dragon Quest ?
Daniel Andreyev : Oui, j’avais la Master System parce que la NES était la console des bourges. (Rires) À l’époque, on est juste après Noël, et Internet n’existe pas donc l’information est précieuse… Dans une boutique de jeux vidéo, je vois, d’occasion, un exemplaire de Dragon Quest V. Immédiatement, je reconnais le style : « C’est Toriyama ». Je tombe littéralement amoureux de la jaquette, je pense encore que c’est l’une des plus belles jaquettes qu’Akira Toriyama n’ait jamais faite.
À cette époque, tu connais déjà le nom d’Akira Toriyama, et c’est déjà une référence ?
Daniel Andreyev : Oui, il me semble que Dragon Ball était déjà publié dans les fascicules Glénat et son nom était connu car son nom était écrit à la fin des épisodes du Club Dorothée. J’achète donc Dragon Quest V pour 200 Francs. Je commence à y jouer mais c’est compliqué : le jeu n’est pas beau, il s’est trompé d’époque… C’est l’époque à laquelle je commence les cours du soirs de japonais, je connais suffisamment le japonais pour m’y aventurer, aussi parce que je suis déjà passionné par le RPG. Mais j’ai un blocage esthétique car à cette époque, plein d’autres jeux magnifiques sortent sur Super Famicom. Je l’ai donc mis de côté pour y revenir plus tard, avec des notions de japonais un peu plus poussées. L’élément déclencheur, c’est d’avoir acheté le guide stratégique officiel japonais, et de m’être motivé à le traduire en même temps que le jeu. Je m’y replonge alors, et quelque chose parvient à me toucher dans la narration de l'aventure : c’est une vraie saga romantique. Je suis happé par le récit, quelque chose m’a vraiment bouleversé. C’est ce que j’aime dans une œuvre, quand elle me bouleverse. Dragon Quest V réussit cela, bien plus que Final Fantasy V ou Breath of Fire que j’ai fait dans les mêmes conditions. Ce sont de très bons jeux, mais ils ne m’ont pas pris aux tripes comme Dragon Quest V.
Tu découvres donc la série avec Dragon Quest V, est-ce que d’instinct tu t’es ensuite intéressé aux premiers épisodes ?
Daniel Andreyev : Non, c’était impossible ! La Famicom n’était pas sur l’échiquier, elle ne s’importe pas, elle est introuvable. C’est ensuite avec Dragon Quest VI que j’ai continué la série. Quand DQVI sort, la Super Famicom est déjà en fin de vie, je jouais aux RPG de manière régulière, je l’ai fait peu après sa sortie, en parallèle de plein d’autres grands jeux comme Chrono Trigger.
Je n’ai pas cet attachement à Dragon Quest VIII que peut avoir une majorité de joueurs.
L’épisode VI, l’épisode VII… Puis vient Dragon Quest VIII. En Occident, beaucoup de joueurs, moi y compris, ont découvert la saga avec cet épisode. Ce n’est donc pas ton cas.
Daniel Andreyev : C’est un épisode très important ici. J’ai fait un sondage ce week-end pendant mes dédicaces au Toulouse Game Show, la plupart des joueurs ont en effet commencé avec L’Odyssée du Roi Maudit. Mais ayant découvert la série avant, je n’ai pas cet attachement à DQVIII que peut avoir une majorité de joueurs.
C’est intéressant d’avoir ton point de vue sur la question, alors. Selon toi, quel est l’épisode le plus emblématique de la série, celui qu’un néophyte devrait découvrir pour commencer la saga ?
Daniel Andreyev : Je dirais évidemment Dragon Quest V, qui est super beau dans sa version Nintendo DS, et qui intègre ce génial système de recrutement de monstres. Éventuellement Dragon Quest IV, dont les personnages sont intéressants. C’est d’ailleurs le premier épisode qui devient narratif, avec plein de petites histoires sur les héros mais aussi les autres personnages de l’univers. Même Dragon Quest VII est incontournable, il est compliqué à aimer car c’est un vrai périple, bien qu’ils aient accéléré le rythme dans le remake 3DS.
À ton avis, qu’est-ce qui différencie Dragon Quest de toutes les autres licences de RPG japonais ?
Daniel Andreyev : C’est assez simple. Final Fantasy narre une histoire en racontant l’arc des personnages. Dragon Quest met dans la peau du personnage, qui ne parle pas, et fait voyager. Ce sont les protagonistes autour du héros qui racontent l’histoire. Le joueur rentre dans leur vie, ce qui crée une dynamique bien différente. Dans Final Fantasy, on court souvent après quelqu’un…
C’est aussi un peu le cas dans Dragon Quest VIII, non ?
Daniel Andreyev : Oui, mais justement, Dragon Quest VIII est la réponse d’Enix à Final Fantasy VII. Structurellement, Final Fantasy VII est une course-poursuite. Cloud et ses amis sont à la poursuite d’un mec. Dragon Quest VIII, c’est une bande de potes qui sont à la poursuite d’un mec… avec un twist final assez malin. Mais si l’on revient aux séries dans leur ensemble, Final Fantasy raconte quelque chose, alors que Dragon Quest évoque des souvenirs dans une intrigue très locale, et joue de ces souvenirs avec des bruitages inchangés depuis des années, un menu austère, une nostalgie omniprésente.
Malgré cette nostalgie omniprésente, depuis plusieurs années Dragon Quest s’inspire d’autres licences pour créer de nouveaux concepts. Dragon Quest Heroes, Builders, Rivals… Comment expliques-tu que la série parvienne à de diversifier aussi facilement ?
Daniel Andreyev : C’est typiquement l’intelligence de cette série, dont l’univers est basé sur ses monstres. Les personnages sont très en retrait. Akira Toriyama est d’abord un monster designer. Et d’ailleurs, contrairement à la plupart des RPG, pendant les combats les monstres de Dragon Quest te regardent dans les yeux. Ils sont personnifiés. Ça rend la série très malléable sans que ça ne choque.
Oui, Dragon Quest Builders par exemple, est génial, mais je ne suis pas sûr qu’un tel projet dans l’univers de Final Fantasy aurait été aussi réussi.
Daniel Andreyev : Exactement, et le génie de ce jeu, c’est d’avoir rattaché le concept à l’univers du premier Dragon Quest comme une fin alternative. C’est une sorte de mode d’emploi qui manquait à Minecraft, jeu que j’adore aussi, mais sans ce côté vertigineux. Et pourtant, Dragon Quest Builders renferme plein de secrets, d’objets et de quêtes cachées, c’est génial.
Je trouve d’ailleurs que ce Dragon Quest Builders cristallise parfaitement le côté universel de la série avec ses différents niveaux de lectures, pour les adultes et les plus jeunes.
Daniel Andreyev : Je ne dirais pas « universel », car Dragon Quest reste une série de petits vieux. Yūji Horii a 63 ans, Akira Toriyama en a 62, Kōichi Sugiyama en a 86… Ils font l’humour qui leur plaît. C’est l’humour des Jump des années 80, qu’on ne pourrait plus faire aujourd’hui. Eux le font encore car ça les fait délirer et qu'ils ont cette posture d’anciens à qui on ne peut pas dire grand chose. D’ailleurs, c’est un point polémique dans lequel je reviens dans le livre : Sugiyama est proche de l’extrême droite et il en parle dans les médias sans aucun problème.
Alors que se passera-t-il quand Sugiyama et les autres ne seront plus là, est-ce que la série pourra s’en remettre ?
Daniel Andreyev : Évidemment, ils réutiliseront ses musiques. Pour Toriyama, c’est plus compliqué même si quelqu’un pourra reprendre la tête du Bird Studio. Le seul élément fondamental à mon sens, c’est Yūji Horii qui est le véritable génie de la bande et qui dès 1986 crée un open world. Dragon Quest est un open world.
Oui, comme l’était le tout premier The Legend of Zelda.
Daniel Andreyev : Exactement, ils sont sortis à trois mois d’intervalle d’ailleurs. Yūji Horii est un pur génie en plus d’être un visionnaire. Il est brillant.
Je voulais raconter pourquoi ces jeux là ont une importance pour les japonais. Pourquoi on doit s’y intéresser.
Cette passion pour la série tu la distilles depuis plusieurs années dans tes articles sur Gamekult ou Le Monde, par exemple. À quel moment tu as décidé d’en écrire un livre ?
Daniel Andreyev : C’est quelque chose qui m'a été demandé. Je suis quelqu’un qui doute beaucoup, pas uniquement de mes capacités, mais aussi de qui ça pourrait intéresser. C’était d’ailleurs l’ébauche de mon premier chapitre : « Dragon Quest, pourquoi ? ». On m’a demandé d’être un peu moins radical. (Rires) C’est ça qui m’intéressait car c’est un vrai phénomème socioculturel japonais qui intéresse des gens en France. Je ne suis pas un grand lecteur de bouquins de jeux vidéo mais je sais que je n’ai pas suivi la démarche habituelle : je ne présente pas les jeux, pas l’univers, pas les personnages. J’ai essayé de faire un bouquin qui ne soit pas chiant et qui soit intéressant. Je ne voulais pas faire un mode d’emploi ni un Wikipedia. Je voulais raconter pourquoi ces jeux là ont une importance pour les japonais. Pourquoi on doit s’y intéresser. C’est le travail que j’ai voulu faire autour de ce livre.
Tu racontes dans le premier chapitre la vie assez extraordinaire de Yūji Horii…
Daniel Andreyev : Oui, il a une vie de shōnen [NDLR : qui pourrait être tirée d’un manga pour adolescents]. Une vie passionnante ! Il est né et a habité sur une île, comme la moitié des héros de Dragon Quest. À travers ses jeux, il raconte la vie qu’il s’imagine. C’est aussi un destin contrarié, car il devait être dessinateur et à la suite d’un accident de voiture, il a dû arrêter cette vocation. Il était pourtant le plus talentueux de son école quand tout le monde pensait qu’il serait un loser. Quand un des étudiants de son université membre des communistes révolutionnaires a été assassiné, il a profité de la fermeture de sa fac pour jouer à des jeux vidéo à Shinjuku. Un jour, il décide de commencer à coder et il remporte le troisième prix d’un concours de programmation chez Enix. Tous ces éléments mis bout à bout font ce destin incroyable. Avec du recul, on se dit que Dragon Quest est la concentration de tous ces évènements importants de sa vie. Comme ça m’intéresse, je me suis dit que, peut-être, ça intéresserait d’autres personnes ! (Rires)
Où est-ce que tu as trouvé toute cette documentation ?
Daniel Andreyev : Il faut éplucher tout ce qui se trouve sur Internet, mais c’est parfois difficile car il n’y a pas toujours les sources. J’ai aussi ressorti les vieux Famitsu, les vieux bouquins, et par chance je suis collectionneur, donc j’ai retrouvé des documents vraiment utiles. Aussi, Yūji Horii est locace, il a fait beaucoup de conférences, de vidéos et d’interviews que j’ai regardées. Il écrivait aussi dans Famicom Shinken, l’ancêtre de Famitsu qui était inséré dans Jump. La sortie du premier Famitsu suit celle de Dragon Quest de quelques jours. Ce n’est pas un hasard…
Je sais que tu as déjà rencontré les développeurs car on s’est croisés plusieurs fois lors d’interviews communes. Mais les as-tu interviewé dans le cadre de l’écriture de ton livre ?
Daniel Andreyev : J’ai rencontré plein de gens, mais il y a bien sûr des secrets que je dois garder, notamment sur les problèmes de production. Sans trop en dire, les histoires entre Level-5 et Square Enix, notamment pendant le développement de Dragon Quest IX, m’ont beaucoup intrigué. Je n’ai jamais rencontré les créateurs en leur disant : « j’écris un bouquin sur vous. »
Oui, je connais le problème, ils ne se livreraient pas de la même façon…
Daniel Andreyev : Oui et tu le sais comme moi, pendant les interviews officielles tu as 7 responsables marketing et RP de Square Enix Japon derrière toi… Lors de l’interview organisée pour la sortie de Dragon Quest Heroes, Yūji Horii recentrait toujours la discussion sur le jeu… Il y a quelques années, pour la sortie de Dragon Quest Monsters: Joker, je lui avais demandé : « alors la prochaine étape, c’est le jeu en ligne ? ». Il m’avait répondu « oui, nous allons voir » avec un large sourire, ce qui pour un Japonais voulait dire « mais bien sûr qu’on est en train de le faire ». Vu le temps de développement de Dragon Quest X, à ce moment précis, ils devaient déjà travailler dessus. Je reviens beaucoup sur cet épisode dans le livre, car c’est celui qui est méconnu et qui ne sortira pas hors du Japon. C’est un jeu qui ressemble beaucoup à Yūji Horii. Tu te souviens, quand tu l’as rencontré, il était caché derrière ses lunettes et ne disait pas grand chose… Il refuse de trop parler, c’est un grand timide. DQX est un jeu de timide, un jeu en ligne dans lequel personne ne se parle. J’ai joué 400 heures, je n’ai eu qu’une seule vraie expérience avec un autre joueur. C’est presque un jeu solo et je trouve ça génial car c’est adapté à la timidité des japonais.
Dragon Quest XI vient de sortir, mais qu’attends-tu du prochain ?
Daniel Andreyev : C’est à mon avis le dernier que Horii, Toriyama et Sugiyama feront ensemble. Sugiyama recycle déjà beaucoup ses musiques… On sent qu’il est sur la fin de sa carrière. Je pense que Dragon Quest XII ne prendra pas de risque, et qu’il racontera une belle histoire, probablement scénarisée par l’un des scénaristes du X. Dragon Quest X est un super tremplin pour les scénaristes, l’histoire de Dragon Quest X 2.0, particulièrement, est géniale. Je pense qu’ils ne prendront pas le risque de changer quoi que ce soit à la méthode et qu’ils se reposeront sur ces talents.
Sans oublier qu'il y a un nouvel homme fort chez Square Enix, c’est Yōsuke Saitō. Yōsuke Saitō a eu une très belle année, entre Dragon Quest X qui cartonne, la sortie de Dragon Quest XI et NieR: Automata… C’est le nouveau golden boy de Square Enix après Naoki Yoshida [NDLR : le réalisateur et producteur de Final Fantasy XIV].
Oui, même s’il reste un peu dans l’ombre Yōsuke Saitō est très important depuis quelques années déjà.
Daniel Andreyev : Je pense que c’est lui qui prendra les rênes de la série quand il faudra changer l’équipe. Dragon Quest XI est la fin d’une époque et ça se ressent dans la narration qui multiplie les références à la première trilogie. D’ailleurs, à la fin du jeu, on t’offre Dragon Quest I, ce qui est inouïe. Quand est-ce qu’un éditeur japonais t’offre un jeu, comme ça ?
Jamais… Enfin, surtout Square Enix, qui ne se gêne pas pour vendre ses remakes smartphone à 20 euros.
Daniel Andreyev : Je suis très curieux de voir comment la série va changer, même si je pense que Yūji Horii va mourir sur scène. Il continuera jusqu’au bout. Il touche à tout ! Il vérifie tous les Dragon Quest, même le moindre petit projet mobile. Même Dragon Quest Swords, sur Wii, c’est lui qui l’a supervisé et qui en a écrit le scénario.
C’est peut-être pour cette raison que l’on n’a jamais vraiment de mauvais Dragon Quest, là où on se retrouve parfois avec des choses étranges comme Final Fantasy XV: A New Empire…
Daniel Andreyev : Ça, c’est la force de l’organisation de l’équipe Dragon Quest, avec un seul maître à bord. C’est lui qui dit « oui » ou « non ». Pour Final Fantasy, il y a un comité de direction, des réalisateurs différents, des producteurs différents. Et on a bien vu, avec Final Fantasy XV, que le réalisateur pouvait changer en cours de route. C’est la raison pour laquelle il y a des luttes internes… On peut dire ce que l’on veut de Final Fantasy XV, mais on n’enlèvera pas à Hajime Tabata sa capacité à avoir été au bout d’un processus compliqué.
Tu te souviens d’un développement aussi compliqué dans l’histoire de Dragon Quest ? L’épisode IX peut-être ?
Daniel Andreyev : Oui, le IX c’est le plus gros pari de l’histoire du jeu vidéo japonais selon moi. « Vous aimez Dragon Quest ? On va le faire sur Nintendo DS… »
« … et c’est un Action RPG ! Mais en fait finalement non. »
Daniel Andreyev : Exactement, et je reviens sur ce passage qui est primordial dans le livre. Ce moment où le public voit le projet et dit tout simplement « non ». Et Square Enix revient sur ses pas.
J’ai l’impression qu’on a vite oublié ce moment qui est pour moi très important dans l’histoire de Square Enix…
Daniel Andreyev : Oui, on a aussi oublié que les invités, pendant la présentation officielle, ont dit en direct sur scène « ce n’est pas une version finale, si ? », ce que jamais aucun invité japonais ne dirait lors d’un évènement comme celui-ci. Ça n’a pas été vraiment un projet perdu pour Level-5 car si tu regardes le jeu Dragon Quest IX montré ce jour-là, il existe. C’est Fantasy Life !
Oui, ce jeu est génial, c’est l’un de mes jeux favoris sur 3DS.
Daniel Andreyev : Bien sûr ! J’adore Fantasy Life. La version Link japonaise est excellente d’ailleurs. C’est un jeu génial, et c’est exactement ce que voulait faire Level-5 avec True Fantasy Live Online et Dragon Quest IX. Les deux concepts réunis font Fantasy Life. Pendant trois ou quatre ans, Level-5 a remplacé Square Enix au titre de l’entreprise qui fait rêver…
Dragon Quest IX, c’est l’histoire d’un petit éditeur qui a été plus malin que les autres en proposant sa technologie et en ne terminant même pas le projet.
Toutes ces anecdotes, tu les racontes donc dans ton livre. Mais alors : est-ce que ton bouquin se destine aux fans ou est-ce qu’un joueur étranger à la série peut y trouver du plaisir ?
Daniel Andreyev : Dans le livre, je n’en mets pas trop sur les jeux. Je ne parle pas des personnages, je ne fais que le pitch du scénario, mais je ne re-raconte pas l’histoire, je n’analyse pas les menus… J’essaye pas de dresser le profil psychologique de Torneko ! (Rires) Je pense que Dragon Quest se raconte par lui-même. En France, la première génération de joueurs qui a connu Dragon Quest étant gamins, elle arrive maintenant, mais on a l’avantage de la curiosité. La curiosité de comprendre pourquoi c’est une série si importante dans la culture japonaise. C’est exactement ça que j’essaye d’expliquer. Pourquoi l’attente de Dragon Quest VII a été intolérable pour des générations de japonais. Pourquoi Dragon Quest VIII a été important, parce que c’est la réponse d’un éditeur à un autre éditeur qui finiront par fusionner. Pourquoi Dragon Quest IX est très important, parce que c’est l’histoire d’un petit éditeur qui a été plus malin que les autres en proposant sa technologie et en ne terminant même pas le projet. J’essaye de revenir sur tout ça, sur la vie de Yūji Horii, l’absence d’Akira Toriyama depuis Chrono Trigger...
J’essaye de m’inscrire dans l’idée du New Game Journalism, qui tente de ne pas faire un guide d’achat des jeux, des articles pour consommer, mais de comprendre leur ancrage culturel et ce qu’ils apportent dans la société, même plusieurs années après. D’ailleurs le livre est préfacé par Richard Stanton, qui écrit pour The Guardian, Kotaku et Rock Paper Shotgun, et qui est pour moi la plus belle plume du jeu vidéo aujourd’hui, parce qu’il arrive à me toucher en écrivant des articles géniaux, sur le système financier d’Animal Crossing par exemple. C’est merveilleux, et peu de personnes y arrivent aussi bien en France.
Génial ! J’ai hâte de lire ça, maintenant. Tu reprendras du thé ?
Merci à Daniel pour son enthousiasme sans faille.
Propos recueillis par Bastien Péan pour Final Fantasy Ring.