NieR

Test

Le 05 mai 2010 à 17:00 par Sacha 0 commentaire
NieR

Les apparences sont souvent trompeuses. Le dicton n'a jamais paru aussi approprié que pour décrire Nier, tant dans la manière dont Square Enix en a fait sa promotion que pour le jeu en lui-même. Dévoilé pour la première fois en avril 2009 dans les magazines généralistes américains, le nouveau projet du studio cavia est avant tout pour les initiés un successeur de Drakengard. Mais c'est aussi pour Square Enix, après The Last Remnant, un nouvel essai dans l'exercice difficile d'un jeu conçu pour le monde entier, et pas seulement pour le Japon. Décryptage complet de ce titre hors du commun.

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Une affaire de famille

Été 2049 : Tokyo ravagée, déserte et sous la neige. Nier et sa petite fille Yonah tentent tant bien que mal de survivre, affamés et démunis. Des Ombres, les fameux ennemis récurrents du jeu, ne tardent pas à apparaître. Nier tente alors du mieux qu'il le peut de repousser leurs assauts, mais il n'est qu'un homme comme les autres, et se retrouve très rapidement submergé. C'est alors qu'il cède à la proposition d'un mystérieux grimoire qui déclare pouvoir lui octroyer des pouvoirs magiques. Et ce dernier n'avait pas menti, puisque les sorts que le père peut désormais utiliser lui permettent de massacrer les Ombres avec une efficacité bluffante. Quelques 1300 ans plus tard, changement total de décor : dans un petit village à l'aspect résolument médiéval, Nier et Yonah mènent une vie simple, son père passant le plus clair de son temps à chercher un remède à la maladie de sa fille et à aider les villageois, qui vivent dans la pauvreté et la crainte constante d'être attaqués par les Ombres. Dans ce monde qui ne tourne plus rond, la violence et le désespoir sont monnaie courante, mais la poésie et l'espérance tiennent une place tout aussi importante.

Autant vous le dire tout de suite, l'aventure est portée par des personnages aussi uniques qu'attachants. Nier et Yonah, tout d'abord, sont particulièrement touchants, aussi bien dans leur quête d'une vie heureuse que dans l'attachement qu'ils portent l'un à l'autre. Les écrans de chargement laissent par exemple entrevoir des extraits émouvants du journal de Yonah, dans lequel elle décrit ses journées très simplement. Cette crédibilité se retrouve aussi dans l'attitude de Nier : un peu vieux jeu et déterminé à sauver sa fille, il fait preuve d'une humanité et d'un bon coeur très justes, à l'image également des compagnons pourtant très étranges qui le rejoignent au cours de l'aventure. Grimoire Weiss, un livre au caractère bien trempé et imbu de sa propre personne, Kainé, une jeune femme incisive et possédée par une Ombre, et Émile, un jeune garçon au regard pétrifiant, ont tous droit à des développements très intéressants laissant s'exprimer différentes facettes de leurs personnages. Leur personnalité et leur psychologie sont visiblement un aspect que les développeurs ont tenu à mettre en avant, et les voir évoluer ensemble et face à l'adversité pour sauver Yonah tient littéralement le joueur en haleine durant les 30 à 35 heures nécessaires pour assister à toutes les fins du jeu.

 

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Tout au long de l'aventure, le scénario de Nier aborde des thèmes très sérieux et matures avec, encore une fois, beaucoup de naturel et de simplicité. La mort, la survie et la famille (et plus largement, la communauté) tiennent notamment une place de choix pour des raisons évidentes. D'autres, plus subtils, sont développés au fur et à mesure que le joueur progresse dans le jeu, comme la notion d'humanité, la mémoire et la façon dont se sont transmis le savoir et l'histoire, et ses conséquences. Le pouvoir des mots est aussi certainement une idée que les développeurs ont souhaité faire transparaître, aussi bien dans l'histoire qu'à travers une phase de gameplay plutôt originale et inattendue, toutes deux servies par une très bonne traduction française qui mérite d'être soulignée. Cet aspect philosophique, ni poussif ni exagéré, est traité la plupart du temps à travers les dialogues des protagonistes, ajoutant ainsi à leurs personnages. Profitons-en d'ailleurs pour saluer le travail des doubleurs anglais, qui est absolument génial. La voix de Weiss est particulièrement excellente, son accentbritish collant parfaitement à sa personnalité et ses répliques très savoureuses.

Bien entendu, l'aventure est ponctuée par de nombreux rebondissements. Si le déroulement de la quête deNier est parfois assez directe, elle se distingue en effet par la profondeur qu'elle gagne au fil des événements. L'intrigue sous-jacente du jeu prend ainsi de plus en plus d'importance : beaucoup plus déterminante qu'au premier abord, elle reste enveloppée d'un voile de mystère constant que le joueur n'est amené à dissiper que petit à petit. Ce n'est qu'à la toute fin que la vérité commence enfin à transparaître. Mais même à ce stade du jeu, les réponses ne lui sont pas offertes sur un plateau d'argent : avec quelques éléments en main, il est véritablement amené à relier de lui-même tous les événements qui ont mené ce monde là où il en est aujourd'hui. En ce sens, l'histoire de Nier est développée d'une manière terriblement bien maîtrisée. D'autant plus qu'après avoir été témoin de la première des quatre fins du jeu, le joueur découvre lors de sa seconde partie, à travers de nouvelles scènes, une vision totalement différente de l'histoire, bouleversante et époustouflante.

 

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Melting pot

À la base du gameplay du titre, il y a un système de combat au fonctionnement et à la prise en main plutôt simples. Nier peut réaliser des actions basiques (saut et attaques) avec les quatre touches de la manette. Les magies utilisables grâce à Weiss, elles, doivent au préalable être affectées aux gâchettes dans le menu du jeu. Néanmoins, il y a une petite subtilité dans la manière dont on peut les utiliser : si l'on maintient la gâchette, Nier « charge » la technique correspondante avant de la lancer pour qu'elle soit plus puissante. En conséquence, l'animation est également différente : pour la technique Supplice noir, par exemple, Nier invoque plus ou moins de lances. Les compétences elles-mêmes demandent une certaine dose d'adresse et de timing de la part du joueur, car il faut parfois viser avec précision l'ennemi pour faire mouche, comme avec le Javelot noir, qui permet à Nier de frapper à distance. Évidemment, il a également à sa disposition tout un arsenal scindé en trois catégories : les armes à une main, à deux mains et d'hast. Ajoutez à cela la possibilité de les personnaliser en leur associant des bonus ou des altérations d'état et un changement d'arme très instinctif via les touches directionnelles, et le système prend une toute autre dimension qui révèle véritablement tout son potentiel en mode difficile.

Mais en vérité, la véritable force du gameplay de Nier ne réside pas tellement dans la permissivité de son système de combat, mais plutôt dans la façon dont il est exploité à travers les différentes phases de jeu. Tant dans les affrontements classiques que lors les combats de boss, le joueur doit utiliser à bon escient les différentes magies et types d'armes selon la situation ou l'ennemi rencontré pour être aussi efficace que possible. Très régulièrement, la caméra change aussi complètement de position pour adopter une vue de côté (qui ajoute un charme fou aux bâtiments visités), du dessus ou isométrique, transformant le titre en un véritable jeu de shoot ou en hack and slash. En utilisant un noyau purement Action-RPG pour intégrer d'autres genres qui lui sont plus ou moins éloignés, les développeurs sont parvenus un créer un cocktail détonnant qui se renouvelle à chaque zone visitée, et qui ne s'essouffle jamais. Nier ne se résume pas à massacrer des hordes d'ennemis sans réfléchir, et les développeurs ont même poussé l'idée encore plus loin en proposant un donjon exclusivement composé de puzzles à résoudre pour progresser. Fun, épique, dynamique, travaillé : le système de combat de Nier est un mélange à la fois classique et original diablement rafraîchissant.

 

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Proposer un tel melting pot ne devait pas se faire au détriment de la cohésion du titre, et force est de constater que les développeurs sont parvenus à l'assurer avec brio. Les différentes phases de gameplay ne sont absolument pas coupées les unes des autres : il y a toujours cette cohérence presque natuelle avec l'endroit visité, la situation et l'histoire. On prendra ici pour exemple un manoir très inquiétant où se passent des choses plutôt étranges, et dans lequel on se déplace comme dans un Resident Evil en noir et blanc : frissons garantis. Ce sentiment de cohérence se retrouve aussi à travers les deux grands mini-jeux proposés, la pêche et l'agriculture, qui soulignent à leur manière la situation dans laquelle se trouve Nier. Dans ce monde en ruines, il doit en effet toujours trouver de quoi nourrir sa fille et aider les habitants de son village. En revanche, ils n'apportent pas grand chose au gameplay, n'étant tout simplement pas très amusants ni recherchés. C'est un peu la même histoire en ce qui concerne l'amélioration des armes, qui est au final assez vaine et sans grande utilité.

Le constat est tout aussi mitigé du côté des quêtes annexes : si certaines permettent de développer le monde du jeu et des personnages secondaires, beaucoup ne se résument qu'à faire des allers-retours pas très palpitants. Ceci dit, les développeurs ont fait tout ce qui était possible pour rendre ces petites quêtes aussi peu fastidieuses que possible, notamment en facilitant les déplacements avec des moyens de transport, mais aussi en ajoutant de petits dialogues entre Nier et ses compagnons au sujet de la tâche qu'ils sont en train d'accomplir. Entre la bon-vouloir de Nier, le dédain de Weiss, le je-m'en-foutisme de Kainé et la naïveté d'Emile, autant vous dire que ces interactions relâchées et humoristiques sont un vrai régal. Bien entendu, ils adoptent pour certaines quêtes plus graves une attitude plus philosophique et réfléchie. Ceci donne parfois lieu à de petits choix à faire pour leur conclusion, et renforce par la même occasion, une fois encore, l'humanité des personnages et l'attachement qu'on leur porte.

 

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Une personnalité envoûtante

Techniquement, il faut bien reconnaître que Nier souffre de quelques imperfections : notamment des bugs de collision, des effets de flous douteux lorsque l'on approche la caméra du personnage, des compagnons qui courent parfois dans tous les sens, et des paysages un peu trop vides. Pourtant, Nier est loin d'être simplement moche, et en dépit de ces défauts, il peut se targuer d'une identité totalement captivante. Ces environnements dépouillés dégagent en effet cette même ambiance inquiétante et menaçante dont est imprégné le scénario du jeu. Les villes, quant à elles, sont de franches réussies : elles ont chacune une saveur bien particulière, tant du côté de leur architecture que de la culture de leurs habitants. Le contraste entre la chaleur de la ville de Littoral et ses maisons grecques, et la désolation presque suffocante du village suspendu de l'Aire est en ce sens très saisissant. Par sa grande diversité et son ambiance unique, Nier propose un monde dans lequel on prend un plaisir immense à se perdre. Néanmoins, un ou deux environnements supplémentaires n'auraient pas été de trop. La deuxième grande ligne directrice du jeu renvoie en effet le joueur dans toutes les zones déjà visitées pour venir à bout de la première. Ce n'est pas ennuyant ou gênant en soi, les événements qui s'y produisent étant tout aussi percutants, mais certains lui reprocheront peut-être un certain manque d'envergure.

En revanche, ce qui mettra tout le monde d'accord, c'est la bande originale composée par Keiichi Okabe et son studio MoNACA. Les compositions, d'une qualité déjà extraordinaire, sont totalement sublimées par la voix d'Emi Evans. Le travail sur les paroles a d'ailleurs bénéficié d'un soin tout particulier, puisque la jeune chanteuse a été chargé d'imaginer des langages futuristes inspirés de huit langues différentes bien réelles, parmi lesquelles le français. Au final, la bande son tient une place de choix dans la confection de l'ambiance ensorcelante du titre, qui oscille constamment entre douceur et violence. Et pour cause, l'utilisation des musiques a été calibrée avec une précision d'orfèvre. En fonction de la situation ou de l'endroit visité, on a en effet droit simplement à la piste vocale d'un morceau avec une partie (ou carrément aucun) des instruments de l'orchestration, ou inversement. Cette véritable mise en scène de la musique permet non seulement de coller encore mieux aux événements, mais aussi de découvrir peu à peu les différentes compositions du jeu, jusqu'à l'apothéose qui, évidemment, s'accompagne par la version « complète » du morceau en question. En clair, la bande originale de Nier est une expérience retentissante à tous les niveaux, un véritable chef d'oeuvre aussi bien pour sa qualité que pour la manière dont elle est exploitée.

Au final, Nier est tout simplement une oeuvre touchante et sincère, truffée de bonnes idées terriblement bien exploitées. Le titre brille également par la manière dont il est construit : aussi bien du côté de l'histoire, du gameplay, ou de l'ambiance, venir à bout du jeu une première fois est une expérience déjà suffisamment complète, mais dans laquelle on veut presque viscéralement se replonger aussitôt après l'avoir terminée. Et ça tombe bien, puisque Nier fait partie de ces jeux qu'il est obligatoire de refaire plusieurs fois, notamment pour ses fins alternatives époustouflantes. Malgré ses erreurs sur les plans de la technique et des activités annexes, le studio cavia prouve avec sa petite perle qu'il est possible de réaliser de grandes choses avec peu de moyens. N'y allons pas par quatre chemins, Square Enix tient là sa meilleure franchise sur consoles de salon depuis Kingdom Hearts. Il ne tient qu'à vous d'envoyer le bon message à la société pour qu'elle décide de développer ce potentiel absolument formidable.

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Scénario immersif
Personnages travaillés
Système de combat imaginatif
Ambiance unique
Bande originale monumentale
Technique d'un autre temps
Annexes peu intéressantes