Depuis 2003, on me pose systématiquement cette éternelle question « toi qui a lancé un site sur Square Enix, quel est ton Final Fantasy préféré ? ». Difficile de répondre franchement à cette interrogation, mais je dois bien admettre qu'avec le IX, Final Fantasy XII figure parmi ceux qui m'ont le plus marqués. Un monde immense, un univers médiéval fantastique qui me parle, la patte de Yasumi Matsuno, la traduction et le doublage impeccables... Tout est, à mon sens, délicieux. J'attendais ce moment avec impatience : pouvoir replonger en Ivalice sur une autre télé que mon vieil écran cathodique, et sur une autre console que ma PS2 poussiéreuse rangée depuis un moment maintenant. C'est désormais possible, avec cette remasterisaton qui apporte son lot d'ajustements pour offrir aux joueurs une expérience confortable. Chaussez les pantoufles, on décolle pour Rabanastre.
Les chevaliers du Zodiaque
Cela relève sûrement du détail aujourd'hui, mais pour la première fois dans l'histoire de la série, Square Enix expérimentait avec FFXII un épisode canonique qui s'inscrit dans une mythologie déjà esquissé par le passé. Précisément, Final Fantasy Tactics, Tactics Advance et Vagrant Story, trois autres œuvres issus de l’imagination de Matsuno, façonnaient déjà cet univers où les dieux ont donné naissance aux scions, ces douze créatures du zodiaque chargées de la protection du monde. Bien qu'il soit aujourd'hui difficile de placer précisément tous les jeux de cette compilation sur un axe chronologique, il est incontestable que Final Fantasy XII en est le titre majeur et fondateur : il se déroule principalement en l'an 706 de l'ancien Valendien, soit près de mille ans avant Tactics. S'il rend assez complexe la chronologie de tous les évènements qui ont eu lieu au cours des quatre époques évoquées dans les écrits, ce lien qui unit chaque jeu est probablement la plus grand force de la saga. On pourra encore pendant des années critiquer l'inconsistance de Vaan, à la fois héros passif et anti-héros hyperactif, mais ce serait oublier que le reste des protagonistes et les dialogues sont absolument merveilleux. On pourra aussi pester contre la quarantaine d'heures qui suffit à boucler l'aventure principale, mais ce serait volontairement éluder tous ses petits à-côtés et oublier que Matsuno, officiellement « malade », annonçait son départ de l'équipe de développement huit mois avant la sortie du jeu. Un peu comme Final Fantasy XV dix ans plus tard, Final Fantasy XII sera finalement (in)achevé dans la douleur. Ce statut d'arlésienne lui confère aujourd'hui encore une dimension particulière assez attachante.
En 2006, se promener librement dans un vaste désert et affronter des monstres à la chaîne sans aucune transition n'était rien d'autre qu'une prouesse technique. Aujourd'hui, si les zones paraissent un peu plus étroites — les open worlds sont passés par là — l'ingéniosité du système surprend encore. Les codes sont faits pour être bousculés, Final Fantasy XII les brises en mille morceaux. Il est le premier à avoir destructuré le tour par tour ainsi que cette bonne vieille jauge ATB en proposant un gameplay à deux vitesses : stratégique pour qui souhaite se perdre dans les menus à chaque coup porté, fluide pour qui prend la peine le bichonner l'intelligence artificielle de son équipe. Les Gambits, nom donné à toutes ces actions automatiques assignées aux personnages, sont nés d'un constat simple : enchaîner des centaines combats est ennuyeux et chronophage. Assez inquiet à l'idée de laisser la machine me destituer de mon pouvoir de joueur, j'ai toujours ignoré les Gambits pour mon personnage leader sur PS2. C'était une erreur, et je me rends compte à quel point cette ce système prend tout son sens aujourd'hui alors que cette remasterisation propose aussi d'accélérer la vitesse d'action par deux ou quatre fois. Le jeu est indéniablement plus court mais les séances de levelling n'en sont que plus agréables.
On accumule les points de permis à la vitesse de la lumière pour les dépenser dans de toutes nouvelles grilles, moins indimidantes, directement héritées de la version International du jeu inédite en Occident. En laissant au joueur l'opportunité de définir un job (et donc des compétences, équipements et accessoires) bien balisé pour chaque membre de l'équipe, le jeu perd en liberté mais gagne en cohérence. On pourra toujours s'amuser à créer un personnage hybride avec le second job débloqué plus tard, mais il est désormais nécessaire de faire des choix pour équilibrer sa brochette de guerriers. Cette refonte profonde s'accompagne de nombreux autres changements bienvenus comme des coffres à trésors moins traîtres et des statistiques ajustées. Les petites combines vicieuses de la version originale, comme la quête de la Lance du Zodiaque et ses coffres maudits, sont de l'histoire ancienne.
Le système de Gambits a, en réalité, été imaginé par Hiroyuki Ito au début du développement de Final Fantasy IV. Pas pour les personnages de l'équipe, mais pour l'intelligence artificielle des ennemis.
Cure de Jouvence
Avez-vous déjà essayé de rejouer à Final Fantasy XII sur une télévision récente ? À moins que vous n'appréciez l'aliasing prononcé, les premiers plans qui manquent de netteté et le format 4:3 étiré, vous n'en retiendrez pas grand chose. Pour toutes ces raisons, la communauté s'est affairé ces dernières années à optimiser l'émulation de la version International Zodiac Job System sur PC. C'est sûrement cela qui a convaincu le mystérieux comité Final Fantasy de la nécessité d'une version HD officielle et légale. Qui d'autre que Virtuos, le studio chinois déjà responsable du très bon Final Fantasy X/X-2 HD Remaster, pour donner une deuxième vie au dernier FF de l'ère 128 bits ? Le résultat est tout simplement époustouflant. L'excellent comparatif réalisé par Digital Foundry vaut mieux qu'un long discours : les modèles restent fidèles aux originaux mais gagnent en finesse, les textures des décors sont indéniablement plus nettes, le framerate relativement stable à 30 images par seconde et la distance d'affichage sont confortables. Difficile de se satisfaire de la modélisation de certains PNJ pas toujours très soignée et de l'apparition abrupte des ennemis ou des badauds dans les zones les plus chargées, mais c'est un détail vite oublié une fois les premières impulsions lancées. Magnifiques, les attaques spéciales des héros font exploser les couleurs à l'écran sous une avalanche d'effets visuels. Cette version 2017 apporte aussi son lot de petites optimisations discrètes, comme la carte en surimpression, beaucoup plus pratique pour se repérer que celle accessible dans le menu.
Les puristes apprécieront aussi la possibilité de redécouvrir le jeu avec son doublage japonais ou anglais, que Square Enix dit avoir techniquement amélioré. Dans sa version anglaise, Final Fantasy XII conserve toute sa richesse grâce aux nombreux accents et autres tics de langage qui participent à rendre si concret le monde d'Ivalice. La synchronisation labiale est parfois à la traîne et l'enregistrement reste à l'écoute toujours un peu « sec », mais cet aspect théatral colle assez bien à la dimension dramatique et à la mise en scène de l'aventure. Côté musiques, l'intégralité de la bande-originale composée par Hitoshi Sakimoto a été réorchestrée. Il est toujours possible d'écouter les versions originales, mais cela reviendrait à passer à côté de l'un des principaux atouts de The Zodiac Age : ces arrangements subtils adoucis par l'utilisation d'instruments plus naturel ainsi que l'ajout de 8 compositions inédites — mais pas inoubliables. Là encore, Square Enix parvient à respecter son œuvre tout en l'adaptant aux standards de l'époque. Un petit coup de pinceau et ça repart. Pour dix ans encore ?
Parti avant la fin de la guerre, Yasumi Matsuno n'a jamais eu l'occasion de finir son esquisse. Tout est pardonné aujourd'hui : malgré quelques maladresses, Final Fantasy XII restera éternellement un RPG exceptionnel et majestueux. Cette version définitive, ses créateurs peuvent en être fiers car en HD, le monde d'Ivalice ressemble à la Terre promise. Entre son univers très référencé, son esthétique indiscutable, ses musiques réorchestrées et ses petites mécaniques qui rendent fou les amateurs de systèmes purement japonais, The Zodiac Age signe un formidable retour aux sources qui nous rappelle que le progressisme de la série est sa force.
L'avis de Sacha
Quel bonheur de redécouvrir Final Fantasy XII en 2017 ! Indéniablement en avance sur son temps sur PS2, l'époque actuelle semble plus propice à ce titre d'exception, dont le style global est sans doute le plus mature de la série. On a souvent lu que Vaan (et à moindre mesure Penelo) sont des personnages inutiles : une critique que j'ai toujours trouvé très superficielle. Au contraire, ils représentent tous deux la jeunesse de Rabanastre, un peu naïve mais réaliste, insouciante mais pleine d'espoir, qui montre la voie à Ashe à plusieurs reprises au cours de l'aventure.
À chaque nouvelle partie de FFXII, je me prends encore un peu plus aux Gambits, à tel point que je les utilise maintenant même sur mon personnage contrôlé. Préparer et ajuster ses Gambits de zone en zone pour avoir une équipe qui fonctionne à la perfection est un plaisir toujours renouvelé. Ajoutez à cela la possibilité d'assigner deux jobs à chaque personnage dans cette nouvelle version, qui pousse à construire des personnages hybrides et affiner leur comportement en combat jusqu'à l'obsession... Cela rend l'aventure principale facile, mais cette dimension stratégique est un vrai bonheur.
Je bous d'impatience à l'idée d'affronter les créatures optionnelles les plus terribles, et au bout du chemin, écouter enfin la version réorchestrée de Ending Movie, qui pourrait représenter à elle seule toute l'élégance et la richesse de ce Final Fantasy.