Une simple démo, comme pour dire « Nous sommes au travail ». Une simple démo qui semble également indiquer qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que Final Fantasy XV ne réponde aux promesses de son réalisateur Hajime Tabata ainsi qu'aux exigences des joueurs. Après neuf années d'attente et plus d'une quinzaine d'heures passées dans l'Episode Duscae, que faut-il retenir de la première apparition publique, manette en mains, de Noctis et ses potes ? Verdict sans concession.
Le coup de la panne
Si Final Fantasy XV Episode Duscae montre un segment légèrement aménagé du début de l'aventure qui attend les quatre aventuriers, cette démo jouable — que l'on qualifiera plutôt de version alpha — se veut assez discrète sur l'exacte situation dans laquelle ils se sont fourrés. Réveillés par un smartphone dernier cri, éblouis par un soleil radieux, les quatre compères semblent poursuivre leur progression vers le Disque de Cauthess où sommeille le terrible Titan... à pieds. La berline qui leur sert de monture est immobilisée au garage. Un bête accident qui n'est que suggeré. Plus de peur que de mal, mais une addition assez salée dont Sa Majesté devra s'acquitter s'il souhaite que Cindy, mécano au look et aux proportions déconcertantes, répare l'engin. Pour récolter l'argent nécessaire et satisfaire les besoins les plus élémentaires de la jeune femme, le groupe part en chasse du mystérieux Béhémoth qui rode dans la région. Sa mise à prix correspond — comme par hasard — à la somme réclamée par Cindy. Ce n'est pas vraiment ce que l'on pourrait attendre d'un Final Fantasy, mais après tout, « This fantasy is based on reality ».
Bien qu'assez avare en matière de contenu, la démo permet également de s'essayer à quelques quêtes annexes, allant de la récolte des nombreux petits objets disséminés sur la carte à la recherche des épées fantômes confiant de nouvelles aptitudes de combat. Cela ne suffit pas : il faudra bien entendu que les développeurs renforcent les interactions avec les PNJ, intègrent davantage de conversations, d'objectifs et d'évènements scénarisés pour enrichir l'univers et détailler la mythologie de cet ultime épisode de la compilation Fabula Nova Crystallis. La présence aléatoire et de plus en plus régulière de soldats tombés des aéronefs de l'Empire n'est, par exemple, absolument pas expliquée dans cet aperçu. La cinématique proposée à la fin de l'expérience est présentée comme un avant-goût de la suite. Deux illustrations qui n'en disent pas assez, mais qui en disent également beaucoup, notamment sur l'identité des divinités qui viendront épauler Noctis. On a encore beaucoup à apprendre.
Alpha, Beta, Duscae
Ce n'est plus un secret, Final Fantasy XV a été l'objet de nombreux bouleversements tout au long de son développement ces neuf dernières années. Le dernier en date, le plus critique, est bien entendu le départ de son réalisateur Tetsuya Nomura, remplacé par Hajime Tabata après le changement de plate-forme en 2012. Les départs successifs de Julien Merceron et Yoshihisa Hashimoto en charge du moteur Luminous — désormais exclusivement conçu pour répondre aux besoins du jeu — ont également affecté le processus de développement. Pour toutes ces raisons, la réalisation graphique de ce bout d'aventure est encore suffocante. Végétation sommaire, framerate asthmatique, aliasing gênant et clipping disgracieux sont autant de défauts que les développeurs promettent de corriger d'ici la sortie, avec le passage à la version 2.0 du moteur de jeu — cet Episode Duscae est propulsé par la version 1.5, déjà datée.
Ces incommodités mises de côté, on ne peut que saluer la direction artistique de Yûsuke Naora. Les premiers pas sur les terres de Duscae, mises en valeur par le choix de faire de ce quinzième opus un monde ouvert, sont intimidants. Au loin, on entrevoit d'immenses Catoblépas au milieu du lac, dans lequel on ne peut malheureusement pas encore plonger. Vagues, reflets et éclaboussures sont criants de réalisme : on comprend enfin pourquoi la transition vers la PlayStation 4 et la Xbox One était nécessaire. Si les évènements météorologiques ne sont pas encore intégrés — on assiste simplement à une séquence dans le brouillard lors de la mission principale — le cycle jour/nuit est bel et bien présent. Quel plaisir de regarder le soleil s'enterrer à l'horizon sur les hauts plateaux, près du Relais de Chocobos Wiz ! Quel bonheur d'observer l'ambiance si particulière qui règne dans ces plaines, à la lueur de la lune. Quelle joie de parcourir la grotte, donjon sombre et inquiétant dans lequel les ombres s'entremêlent pour mettre en lumière les performances du Luminous. On aurait évidemment apprécié pouvoir explorer des étendues plus variées, mais il faudra encore attendre la version complète pour s'offrir le luxe de s'expatrier dans le reste du monde, en voiture ou à dos d'oiseau.
La mélodie ravageuse composée par Yôko Shimumura accompagne à merveille l'action.
Retour d'éclair
Tetsuya Nomura a toujours présenté Final Fantasy Versus XIII comme un RPG d'action, mêlant les combats dynamiques d'un Kingdom Hearts aux aspects plus stratégiques d'un Final Fantasy. Bien que la saga Final Fantasy XIII, et particulièrement Lightning Returns, assumait pleinement se détacher progressivement des combats au tour par tour traditionnels au profit d'affrontements plus rythmés, c'est la première fois que la série principale ose un tel écart, logique et nécessaire. Concrètement, le joueur ne contrôle et ne contrôlera que Noctis. Ses partenaires — Ignis, Prompto et Gladiolus — sont entièrement pris en charge par l'intelligence artificielle, généralement convenable si l'on exclue les situations d'urgence. Les combats reposent essentiellement sur le choix des armes associées à chaque action. Selon leur taille et leurs attributs, les attaques sont plus ou moins vives, puissantes. Le fait de devoir maintenir la touche d'attaque ("carré" ou "X") pour réaliser un enchaînement n'est pas problématique, dans la mesure où les coups spéciaux ("triangle" ou "Y") et la défense ("L1" ou "RB") entrent aussi en compte dans le succès d'une joute. On notera quand même que pour l'instant, seuls les combats contre les robots androïdes, les Gobelins et le Béhémoth Mortœil ne requièrent l'utilisation régulière des esquives et des parades suivies d'une contre-attaque bien placée. L'introduction de la magie devrait complexifier l'ensemble, et atténuer l'impression d'avoir affaire à simple unhack and slash gâché par les spasmes systématiques de la caméra.
Le système de combat réserve également quelques surprises, à l'image de ces épées fantôme à récupérer au cours de la mission. Libérées à pleine puissance quand la jauge de PM est pleine, elles octroient quatre pouvoirs redoutables : la possibilité de se téléporter, de renforcer sa garde, d'invoquer un bouclier ou des épées très offensives au-dessus des ennemis. Très gourmandes en points de magie, ces compétences exceptionnelles doivent être utilisées avec prudence, car une fois vidé de toute son énergie, Noctis est faible, fatigué, et très vulnérable. Si l'adversaire vient à l'achever et donc à faire tomber ses points de vie à zéro, les objets de soin et l'intervention de l'un des trois camarades peuvent suffire à le remettre sur pieds. Sinon... C'est l'unique occasion de solliciter Ramuh, invocation brièvement évoquée dès le début de la mission par Cindy et gardée confidentielle jusqu'au combat décisif face à Mortœil. Sortez les popcorn, car la courte cinématique qui accompagne son attaque dévastatrice est tout simplement grandiose. C'est l'occasion d'évoquer la mélodie ravageuse composée par Yôko Shimomura qui accompagne à merveille l'action et accentue la puissance de la foudre déchirant la chair de l'ennemi. La violence de l'attaque laisse place à une terre recouverte par les cendres. Le vieil homme quitte alors timidement le ciel, jusqu'à son prochain rendez-vous avec Sa Majesté, dont les yeux rouge vif gardent encore bien des secrets.
Bien que la date du 20 mars 2015 soit historique, c'est avec un avis partagé que l'on conclue cette très courte immersion dans le monde surprenant de Final Fantasy XV. Si l'univers est séduisant et les ambitions des développeurs tout à fait remarquables, on ne peut s'empêcher d'être inquiet quant à la suite du développement. Des plus simples optimisations aux plus complexes mécaniques de gameplay qui donneront ou non à cet épisode la singularité qui doit caractériser un Final Fantasy numéroté, le travail à fournir est encore colossal. À vouloir à tout prix accompagner la sortie de Final Fantasy Type-0 HD pour se doter d'un argument commercial imparable, Square Enix a probablement contraint Hajime Tabata à sacrifier quelques étapes élémentaires dans la conception de cet Episode Duscae. Elle devait calmer nos ardeurs, cette démo jouable n'a fait que rendre l'attente encore plus insoutenable. Vite, la suite !