Clap de fin. Après avoir mis son aventure sous perfusion ces derniers mois, Square Enix décide de lâcher l'affaire suite au départ d'Hajime Tabata. Privé d'un second Season Pass, Final Fantasy XV se contente donc d'un ultime DLC dédié à Ardyn, l'antagoniste fou à lier dont l'histoire et les motivations restaient assez mystérieuses dans l'aventure principale. Si ce dernier épisode ne parvient pas à répondre à toutes les questions autour de l'univers du jeu, il permet au moins de mieux cerner le destin personnage le plus tragique de la lignée Lucis Caelum.
Cet article ne contient aucun spoiler concernant les surprises scénaristiques de ce DLC.
Demolition Man
Si vous attendez de cet Episode Ardyn une bonne dose de challenge, mettons-nous immédiatement d'accord : ce DLC est une promenade de santé, d'abord pensée pour narrer au mieux le destin du chancelier et le contexte de sa mutation en méchant de service. La première partie se déroule ainsi dans le laboratoire du professeur Verstael Besithia. Isolé pendant près de 2 000 ans puis récupéré de force par Verstael, Ardyn découvre alors, à travers ce véritable muséum d'histoire d'Éos, la particularité de ses pouvoirs. Bien qu'assez molle, cette séquence d'exploration très linéaire a le mérite d'éclairer le joueur sur les tenants et aboutissants de la Guerre Divine qui façonna le monde d'Éos tel qu'on le connaît dans Final Fantasy XV, à la faveur d'un diorama interactif et de quelques documents chinés ici et là. On y fera également une étonnante découverte qui explique (enfin !) pourquoi Noctis et ses comparses en viennent à affronter l'une des divinités les plus iconiques de la saga au milieu d'une Insomnia dévastée à la fin du chapitre 14.
C'est d'ailleurs ce moment précis qui constitue le cœur de l'Episode Ardyn, qui multiplie les sauts dans le temps pour colmater les brèches en racontant les amourettes et les trahisons. Les festivités battent leur plein à Insomnia, qui célèbre en fanfare l'anniversaire de la fondation du Royaume de Lucis par Somnus Lucis Caelum. Irradié par un sentiment de vengeance, Ardyn n'a qu'une seule mission : détruire les amplificateurs du bouclier qui protègent la ville pour la rendre plus vulnérable à l'attaque qui se prépare. Pour cela, le gameplay s'offre un peu de verticalité : Ardyn peut rejoindre en un éclair le sommet des principaux bâtiments et détruire les amplificateurs, eux-mêmes protégés par des gardiens démoniaques et draconiques pas vraiment coriaces. Une fois la tâche accomplie, la zone se dévoile sur la carte à la manière d'un Assassin's Creed et les trésors qui parsèment le quartier peuvent être plus facilement dénichés. Il suffit de raser trois zones pour passer à la suite, mais je vous encourage à détruire les sept générateurs pour ne pas vous précipiter trop vite vers les deux derniers affrontements épiques de ce chapitre. Avec sa construction hasardeuse et sa narration touchante, Episode Ardyn réussit quand même l'exploit de rendre son « héros » beaucoup plus charismatique et sensible qu'il ne l'était dans Final Fantasy XV.
Pilotus Automaticus
Plutôt prometteur sur le fond, Episode Ardyn est assez décevant sur la forme. Aux principaux défauts du Luminous Engine déjà remarqués dans l'aventure principale (framerate asthmatique, aliasing fréquent) s'ajoute un cruel manque de vie dans cette ville d'Insomnia qui semble avoir été désertée en un claquement de doigts après le début de l'attaque. Pas de PNJ (même si des chapelleries permettent de faire des emplettes), pas de mini-quêtes (les objectifs sont directement pointés sur la carte). Les seuls humains que vous rencontrerez sont les soldats de la garde royale à l'occasion de combats vite expédiés. C'est l'autre problème majeur de ce DLC : Ardyn roule littéralement sur tous ses adversaires, même dans le mode de difficulté « normal ». Après quelques coups enchaînés automatiquement, le chancellier peut daemonifier les ennemis, synonyme de mort instantanée. Les boss demandent un peu plus de d'agilité, car il faudra les attaquer de dos pour multiplier les chances de porter le coup fatal — et faire vriller la caméra, souvent incapable de suivre l'action. Les compétences débloquées avec les PC collectés sur les ennemis et la possibilité de faire intervenir Ifrit quand sa jauge est remplie renforcent cette surpuissance déconcertante.
On pourrait s'éterniser sur la synchronisation labiale très discutable, des soucis d'animation et de collisions, mais on retiendra de cet ultime effort une splendide bande originale marquée par de petites pépites telles que la très onirique « Prayer of the Oracle » qui envoûte le menu principal. Les musiques qui rythment les combats, et particulièrement celle de l'affrontement final qui s'autorise une merveilleuse reprise de « Somnus », sont aussi savoureuses, si bien qu'on espère un jour les entendre sur un autre support qu'en jeu. Bien sûr, on trouve quelques ovnis comme « Guardian Battle », un titre vaillant et survitaminé, mais aussi « Conditioned to Hate », une étrange tentative de s'aventurer dans un style hip-hop assez malvenu. Une fausse note qui n'entache en rien le formidable travail de Kenji Hiramatsu (compositeur de Xenoblade Chronicles).
Facturé dix euros pour deux heures en ligne droite (le double pour tout boucler), Episode Ardyn se retrouve le cul entre deux chaises. D'un point de vue purement scénaristique, il complète avec justesse l'histoire de cet antagoniste torturé (plus intéressant que Noctis lui-même) et la mythologie du monde d'Éos. La scène finale, qui offre deux conclusions différentes, permet également de préciser le destin d'Ardyn à l'occasion d'un dernier face-à-face touchant avec le Draconéen... Si l'on exclut le combat spécial débloqué à la fin du DLC, ce dernier épisode manque cruellement de challenge et de richesse, la faute à des combats vite expédiés et une action répétitive sur les toits d'Insomnia. À réserver aux complétistes et aux joueurs qui attendaient cette occasion pour recommencer l'aventure avec une vision d'ensemble qui permet enfin d'y voir plus clair.